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Adaptation de l'ADN selon le rôle

Quand une abeille change de rôle dans la ruche, son ADN s’adapte

Les abeilles tiennent toutes un rôle précis, mais évolutif, au sein de la ruche. Certains individus âgés pourraient au besoin reprendre des fonctions normalement exercées par des jeunes. Chose inconnue jusqu'alors, ce changement de comportement s'accompagnerait d'adaptations au niveau de l'ADN. Chaque rôle possède en effet son propre motif de méthylation.

Le destin des abeilles au sein de leur colonie est fixé dès leur plus jeune âge. L'alimentation reçue à l'état larvaire détermine en effet de manière irréversible le rôle qu'elles joueront dans la ruche : reine ou ouvrière. Chaque individu va alors acquérir des caractères physiques et comportementaux propres à son rang. Leurs génomes sont pourtant rigoureusement identiques.

L'environnement et le vécu de chaque organisme peuvent influencer l'expression des gènes, notamment en ajoutant des groupements méthyles (CH3) sur certains nucléotides (le constituant de base de l'ADN). Une faible méthylation favoriserait la transcription de l'information génétique. À forte dose, l'expression du gène touché serait plutôt inhibée. L'épigénome caractérise ainsi le génome modifié par les méthylations dans chaque cellule. Jusqu'à maintenant, il était considéré, une fois de nouveaux caractères acquis, comme irréversible chez les abeilles.

À la lueur de nouveaux résultats, cette information serait erronée. Les groupements méthyles se fixant sur l'ADN des ouvrières tout au long de leur vie pourraient en effet être déplacés. Tout dépendrait du comportement adopté par ces insectes pollinisateurs à un âge donné. Cette information a été publiée dans Nature Neuroscience par Brian Herb de la Johns Hopkins University School of Medicine (JHU Medecine ; États-Unis).

 

Chaque rôle tenu par une abeille marque son ADN

Les Apis mellifera ouvrières tiennent différentes fonctions au cours de leur vie. Dès le 6e jour suivant leur naissance, ces abeilles endossent un rôle de nourrice. Elles se chargent d'alimenter les larves grâce à des sécrétions produites par leurs glandes hypopharyngiennes et mandibulaires. À l'âge de 21 jours, et après avoir rempli d'autres tâches, elles deviennent des butineuses. Leur rôle consiste alors à quitter la ruche dans le but d'aller récolter du pollen, un élément nutritif nécessaire à la survie de la colonie. Tous ces changements laissent des traces repérables sur leur ADN. Ces deux types d'ouvrières présentent ainsi des patrons de méthylation différents.

Pour tester la réversibilité des adaptations génétiques, toutes les nourrices de deux ruches (6.000 à 7.000 abeilles par unité) ont été prélevées durant une absence des butineuses. Dès leur retour, la moitié d'entre elles se sont transformées en nourrices afin de remplacer les absentes. Elles ont à leur tour fait l'objet d'un échantillonnage. Leur épigénome a été analysé grâce à un séquençage au bisulfite (WGBS), les méthylations étant recherchées selon une technique nommée comprehensive high-throughput array-based relative methylation (Charm).

Les résultats obtenus ont été comparés avec des données récoltées chez des butineuses et des jeunes en charge des soins aux larves. Ils sont sans appel. Les nourrices reconverties ont présenté les mêmes motifs de méthylation que les jeunes ouvrières. De plus, les gènes ayant perdu des groupements méthyles correspondent bien à ceux qui ont été adaptés durant la vie de l'abeille. Les comportements de ces insectes sont donc réversibles, tout comme les adaptations faites sur leur ADN.

Selon l'un des coauteurs de l'étude, Gro Amdam de l'Arizona State University, le cerveau des abeilles pourrait posséder des « feuilles de routes épigénétiques » propres à chaque rôle tenu par les ouvrières. Un changement de comportement provoquerait alors un transfert de fiche puis une réadaptation de l'organisme au rôle qu'il doit tenir.

 

Source: www.futura-sciences.com

Auteur
Quentin Mauguit, Futura
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