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No sex, no problem

On pourrait penser que la reproduction asexuée conduit à une impasse évolutive accumulant les mutations délétères et conduisant à l’extinction de l’espèce. Des études récentes montrent que ce n’est pas le cas et le faux-broudon en est un exemple bien étudié. Le cas particulier de la reproduction de Varroa destructor est édifiant : ces acariens ont moins de mutations délétères que d’autres insectes sexués…

Exemples de reproduction asexuée chez certains animaux : le requin-marteau, le requin léopard, le poisson-scie, l’anémone de mer, le Dragon du Komodo, le gecko, le puceron, la cochenille…

Alors que la grande majorité des espèces utilise une forme de sexe pour se reproduire, plusieurs organismes ont évolué vers une reproduction sans sexe. Pour quelles raisons et avec quelles conséquences? Des biologistes du groupe de recherche de Tanja Schwander, professeure assistante au Département d’écologie et évolution (DEE) de l’UNIL, offrent différents éclairages sur la question dans les revues scientifiques «Evolution Letters» et «Nature Communications».

Le sexe allie méiose - le processus de division cellulaire qui aboutit à la production de cellules sexuelles - et fécondation. A la clé : un nouvel individu qui possède 50% des gènes de chacun de ses deux parents. Mais plusieurs organismes ont évolué vers une reproduction sans sexe. La reproduction végétative, par exemple, ne fait appel ni à la méiose, ni à la fécondation. Les descendants sont des clones de leurs parents. La parthénogenèse est un autre mode de reproduction asexuée, où il y a parfois méiose mais pas fécondation. Le nouvel individu n’hérite alors que des gènes de sa mère et n’a pas de père.

Moins coûteuse, plus simple et plus rapide

Bien que moins fréquente, la reproduction asexuée semble plus simple, plus rapide et moins coûteuse que la reproduction sexuée. En effet, la reproduction sexuée nécessite la participation de deux individus (un mâle et une femelle) pour faire ce que la femelle pourrait très bien faire toute seule. La production de mâles peut donc être perçue comme un gaspillage des ressources, surtout chez les espèces où seulement les femelles s’occupent des petits. Avec la reproduction asexuée, il n’y a pas besoin de perdre du temps et de l’énergie pour trouver le bon partenaire sexuel, et les risques de transmission de maladies sont moindres.

Alors, pourquoi ne pas se cloner comme les anémones de mer ou faire de la parthénogenèse comme les phasmes? «Les raisons du maintien du sexe ou d’une évolution vers une reproduction asexuée sont aujourd’hui encore mal connues. Le sexe offrirait un avantage puisqu’il peut générer davantage de diversité génétique que la reproduction asexuée. La diversité génétique est importante quand il s’agit de s’adapter à un nouvel environnement ou lorsqu’il faut faire face à des prédateurs ou parasites qui s’adaptent à leurs hôtes», commente Tanja Schwander, professeure assistante au Département d’écologie et évolution de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Mais ces avantages potentiels sont-ils suffisants pour compenser les coûts considérables et inévitables de la reproduction sexuée?

Deux articles réalisés au sein du groupe d’évolution des systèmes reproductifs et génétiques de Tanja Schwander analysent respectivement l’évolution et les conséquences de la reproduction asexuée chez les animaux. Publiés dans les revues scientifiques Evolution Letters et Nature Communications, ils ont pour modèles des espèces pour lesquelles on ne connaît pas de mâles, mais uniquement des femelles.

Une forme de reproduction privilégiée dans des espèces à grandes populations

Le premier article paru dans Evolution Letters traite de l’évolution et du maintien de l’asexualité chez les hyménoptères (guêpes, abeilles et fourmis) et chez les thrips (petits insectes souvent parasites de plantes). Sous la direction de Tanja Schwander, Casper van der Kooi, doctorant au sein du groupe, et Cyril Matthey-Doret, étudiant Master, ont établi et analysé une base de données avec plus de 700 espèces asexuées. «Ces travaux nous ont permis de montrer que ce mode de reproduction est très fréquent chez certaines guêpes ; jusqu’à 1/3 des espèces dans certains genres se reproduisent uniquement par voie asexuée», relève Casper van der Kooi, premier auteur de l’étude.

Plusieurs traits écologiques favorisent l’évolution et la persistance des espèces asexuées, notamment des distributions géographiques et niches écologiques très larges. «L’asexualité pourrait donc être maintenue comme stratégie de reproduction à long terme dans des espèces avec des tailles de populations considérables, ce qui indique indirectement que les avantages du sexe doivent émerger surtout dans des populations avec relativement peu d’individus», analyse Tanja Schwander.

Moins de mutations délétères chez les espèces asexuées

La reproduction asexuée est souvent considérée comme une impasse évolutive. En effet, ce mode de reproduction est censé entraîner au fil des générations une accumulation de mutations délétères, autrement dit engendrer un désavantage pour les organismes qui les portent et conduire de manière inévitable à l’extinction de l’espèce.

Publié dans Nature Communications, un deuxième article dirigé par le DrSc. Jens Bast, premier assistant au sein du groupe de Tanja Schwander, et mené par le doctorant Alexander Brandt du groupe du Professeur Stefan Scheu à l’Université de Göttingen (Allemagne), montre que ce n’est pas forcément le cas. En étudiant des espèces d’acariens oribates, animaux de petite taille au mode de reproduction apparemment strictement asexué, le consortium a pu démontrer que ces animaux ont moins de mutations délétères que leurs confrères sexués.

«Ces deux articles sont importants car ils nous permettent de mieux comprendre une des grandes questions non résolues en biologie : pourquoi la reproduction sexuée est-elle si fréquente?», conclut Tanja Schwander.

Source: Uni Lausanne

Auteur:Schwander Tanja, Bast Jens
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