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Lutte contre le varroa: l’interruption estivale de couvain

L’ITSAP (http://blog-itsap.fr/) a participé à un essai européen sur la technique de l’interruption de couvain dans la lutte contre varroa qui visait à quantifier l’efficacité, l’impact sur le développement des colonies et la praticité de différentes approches, combinées ou pas avec l’usage d’acide oxalique. Voici une synthèse des résultats et de la discussion de l’article scientifique (Büchler et al.) publié cette année dans Journal of Apicultural Research.

L’interruption artificielle de ponte et le retrait de couvain en cours de saison visent à interrompre le cycle de reproduction de varroa ou à supprimer une partie de sa population tout en maitrisant l’essaimage. Ces approches sont déjà bien intégrées dans les pratiques apicoles, mais restent encore relativement confidentielles hors de l’Italie ou de l’Allemagne pour les méthodes de piégeage visant à se passer complètement de traitement médicamenteux. Leur adaptation à différents contextes d’apiculture et de conditions d’emploi pose encore question. L’expérimentation coordonnée par l’Institut de l’abeille de Kirchhain (Allemagne) dans le cadre du groupe de travail « Varroa Control » de Coloss s’est déroulée en 2016 et 2017 et visait à comparer différentes méthodes d’interruption de couvain, dans différents contextes et procédures de lutte. Au total, 370 colonies situées sur 11 emplacements dans 10 pays d’Europe ont été mobilisées.

 

 

1. Un protocole commun d’évaluation de l’efficacité des traitements anti-varroa

Les participants pouvaient choisir les modalités à tester dans une liste de procédures de traitements établie par le groupe de travail Coloss, selon leurs moyens et les opportunités d’utilisation dans leur pays, mais en intégrant systématiquement une modalité de référence commune à tous les ruchers expérimentaux (Tableau 1). La participation de l’ITSAP en fin d’été 2016 a consisté à tester sur 2 groupes de 10 colonies situées à Avignon :

  • I) le retrait complet du couvain
  • Ii) la modalité de référence : encagement de la reine associé à un dégouttement d’une solution à 4,2% d’AO (Api-bioxal®) à sa libération.

Le protocole commun appliqué par chaque participant européen a consisté à :

  • Evaluer l’efficacité des modalités de traitement testées : dénombrement des chutes de varroas sur lange, pendant le traitement et durant un traitement de contrôle (un médicament AMM au choix : Apivar®, Apistan®, Apitraz®, Bayvarol® ou CheckMite®),
  • Contrôler les risques induits sur les colonies : survie des reines jusqu’au printemps suivant, quantification visuelle du nombre d’abeilles dans les ruches avant et 70 jours après le traitement,
  • Objectiver la praticité des procédures de traitements avec le temps passé à l’application.

Deux types d’utilisation de l’interruption de couvain ont été testés : par encagement de reine en association avec l’emploi d’AO ou bien avec des méthodes biomécaniques utilisant le piégeage dans le couvain d’ouvrières, visant généralement à se passer de l’usage d’un médicament.

2. Résultats de l’association encagement de reine et emploi d’acide oxalique

L’efficacité est calculée par le ratio entre les chutes de varroas dénombrées pendant la durée du traitement et le nombre total de varroas au cours du traitement et du traitement de contrôle. L’efficacité de l’emploi d’AO après encagement dépend de la méthode employée (dose, quantité et mode d’application cf Tableau 1), du rucher (et sa localisation en Europe) ainsi que d’une interaction entre ces deux facteurs, mais reste invariable sur les deux années d’expérimentation. Suite à l’encagement de la reine, l’utilisation d’acide oxalique à 4,2%, par dégouttement ou par sublimation a donné les meilleurs résultats avec en moyenne des efficacités comparables de 89,57% (résultats de 70,94 à 99,89%) et 88,25% (72,37 à 98,78%) respectivement. L’emploi d’une solution d’AO moins concentré (2,5%) réduit significativement l’efficacité moyenne obtenue à 80,60% (67,63 à 98,29%) et 48,16% (39,74 à 56,58%) pour une quantité appliquée par intercadre de 8 ou 5 ml respectivement. L’encagement n’a pas donné lieu à une augmentation de la mortalité des reines au cours des deux saisons de test. L’évolution des populations d’abeilles n’est pas significativement différente selon la méthode d’interruption de couvain employée (encagement + AO, PCO ou retrait complet du couvain), mais est impactée différemment selon la localisation et l’année d’expérimentation (selon les conditions estivales locales). Enfin ces méthodes sont celles nécessitant le temps de mise en œuvre le moins important : allant de 19 minutes (moyenne par colonie) pour le dégouttement à 23 minutes lors de l’emploi d’un sublimateur. Ces données restent cependant à relativiser. En effet, le temps nécessaire à l’encagement de la reine dépend de l’expérience du manipulateur et de l’éventuelle facilitation par marquage préalable des reines, des facteurs qui n’ont pas été pris en compte dans ce travail.

3. Résultats des approches employant des cadres pièges (PCO et retrait complet du couvain)

Etant donné qu’une partie des varroas retirés par piégeage dans les cadres de couvain ne sont pas dénombrés, l’efficacité de ces méthodes est évaluée à partir du nombre de chutes de varroas suite au traitement de contrôle. Les niveaux de varroas résiduels de ces méthodes biomécaniques ne sont pas significativement différents entre elles et en comparaison avec le traitement de référence employant un dégouttement d’AO à 4,2%. Pour information les chutes les plus importantes sont observées suite à l’emploi de cadres pièges (CP classique) et les plus faibles avec la méthode de retrait complet du couvain. Ces méthodes n’ayant pas recours à l’emploi d’acaricide, leur efficacité doit être encore améliorée par l’usage combiné d’acide oxalique. Le traitement par couvain piège simplifié a induit une plus grande diminution de la population d’abeilles dans les colonies, mais cette différence n’est pas statistiquement significative. Il est intéressant de noter que, dans d’autres études sur le retrait de couvain, la technique de retrait total de couvain en saison n’a pas affaibli les colonies qui ont pu compenser la dépression en population dans un délai de deux mois. Enfin la méthode du couvain piège classique est celle nécessitant le plus de temps de mise en œuvre : 40 minutes par colonie en moyenne, quand la technique du cadre piège simplifié ne nécessite que 14 minutes.

4. Pourquoi et comment utiliser des techniques d’interruption estivale de couvain ?

Les résultats de cette étude, la première à tester l’interruption estivale de couvain à l’échelle européenne, valident l’efficacité de ces procédés de lutte contre varroa tout en précisant certains éléments (efficacité, impact sur la dynamique des colonies, temps de mise en œuvre) nécessaires pour envisager leur intégration dans ses propres pratiques apicoles. Les principaux freins à l’emploi de ces méthodes résident en premier lieu dans leur aspect chronophage et dans le fait qu’elles impliquent pour certaines de retirer un grand nombre de cadres de couvain, ce qui peut être problématique sur des cheptels importants. Leur mise en œuvre en période estivale participe cependant à la multiplication du cheptel, mais nécessite alors une intervention anti-varroa spécifique lorsque tout le couvain aura émergé. Par ailleurs, les risques de pillage ne doivent pas être négligés, en particulier pour la méthode de retrait complet du couvain nécessitant d’importantes manipulations de cadres, mais ces risques peuvent être réduits en intervenant pendant les périodes de moindre activité des abeilles (tôt ou tard en journée, selon la météo, etc.). Leur application à large échelle nécessitera surement des modifications de pratique comme adapter la taille des ruchers et le soustraire aux risques de réinvasion en période automnale.

Ces résultats viennent en conforter d’autres qui démontrent l’absence d’impact sur les capacités de production des colonies lorsque le timing d’encagement est optimisé. Ces études permettent d’envisager plus globalement le développement des techniques de gestion du couvain (par interruption ou redistribution pour renforcer d’autres colonies) pour conduire la dynamique des colonies comme par exemple réguler l’essaimage, faire face à une fluctuation des ressources ou encore libérer les ouvrières des soins à apporter au couvain et concentrer les forces de la colonie sur la récolte…

Enfin, les méthodes employant un cadre piège sont d’un intérêt particulier pour les apiculteurs en AB, mais aussi tous ceux désirant réduire voir arrêter l’emploi de traitement acaricide. En particulier, la gestion de l’infestation en varroa est plus sensible pour les colonies éleveuses de mâles et il a été démontré que le parasitisme des pupes de faux-bourdons impacte à long terme leur production de spermatozoïdes, leur capacité de vol et leur espérance de vie. Ainsi l’infestation des colonies à mâles créé une pression de sélection favorisant le taux de reproduction des colonies les moins sensibles. Ce mécanisme est contre balancé par l’emploi de substances acaricides, dont les traitements hivernaux, en permettant la survie de colonies sensibles. La transition vers des méthodes de lutte uniquement basées sur des méthodes d’interruption de couvain en cours de saison, sans emploi de substance acaricide, pourrait participer l’établissement à plus large échelle de populations d’abeilles tolérantes et contribuer à une maitrise durable du parasite.

Tableau 1 : Liste des procédures de traitements testés (Büchler et al., 2020)

 

1) R. Büchler , A. Uzunov , M. Kovačić , J. Prešern , M. Pietropaoli , F. Hatjina , B. Pavlov , L. Charistos , G. Formato , E. Galarza , D. Gerula , A. Gregorc , V. Malagnini , M. D. Meixner , N. Nedić , Z. Puškadija , J. Rivera-Gomis , M. Rogelj Jenko , M. I. Smodiš Škerl , J. Vallon , D. Vojt , J. Wilde & A. Nanetti (2020): Summer brood interruption as integrated management strategy for effective Varroa control in Europe, Journal of Apicultural Research, DOI: 10.1080/00218839.2020.1793278

2) Pour plus d’informations sur le groupe de travail « Varroa control » voir : https://coloss.org/articles/1109/

 

Voir aussi:

Auteur:Büchler et al. (2020)
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