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L’hivernage chez l’abeille domestique : Une phase très particulière de son cycle biologique

L’activité des insectes, animaux à sang froid, est conditionnée par la température extérieure. Leurs muscles ont besoin d’un minimum de chaleur, faute de quoi ils cessent toute activité. Pour éviter de subir ce phénomène mortel en hiver, ils ont développé des moyens de résistance, le plus souvent par l’hibernation.

La plupart des insectes passent l’hiver sous la forme d’œuf, de larve ou de nymphe (plus propices à la survie), d’autres moins nombreux hivernent au stade adulte après constitution de réserves corporelles. Dans tous ces cas, l’hivernage se réalise le plus souvent par des individus isolés.

 

La grappe hivernale : « un cœur chauffant, un manteau isolant »

 

Le système d’hivernage de l’abeille mellifère est inédit grâce à la conjonction de trois caractéristiques :

  • Le stockage des réserves,
  • La réorganisation de la colonie en grappe,
  • La formation des abeilles d’hiver avec leur physiologie particulière.

 

La grappe est le regroupement des abeilles de la colonie pendant l’hiver. Elle se caractérise par l’absence de couvain et par des modes de fonctionnement qui diffèrent complètement de ceux de la colonie estivale. Elle commence à se former quand la température extérieure descend en dessous de 15 °C, et devient complète (avec toutes les abeilles de la colonie) en dessous de 7 °C. Elle a globalement la forme d’une ellipsoïde (de forme variable selon l’endroit où elle se trouve dans la ruche). Elle est interrompue par les rayons, que les abeilles recouvrent en couches multiples sans y pénétrer (les cellules vides servent de réserve d’air et d’isolant). Elle est dynamique : sa forme change avec le déplacement des abeilles et ses mouvements sont lents et irréguliers.

Photo : Fred l’apiculteur – Exometeofraiture

 

Le cœur de la grappe est formé d’environ 15 % d’abeilles « chauffeuses » qui produisent de la chaleur par contractions sans mouvement des muscles de leurs ailes. Cette activité très intense nécessite une consommation d’oxygène égale ou supérieure au vol, et dure rarement plus de 30 minutes par abeille. Une organisation en relais s’effectue ainsi. La température de la grappe peut varier fortement : de 6 à 12 °C en périphérie, à 33,5 °C (au centre), ce qui est sans commune mesure avec l’amplitude de température dans une colonie avec couvain (de 33,8 °C à 37 °C). La température du cœur de la grappe dépend de la température extérieure : plus il fait froid à l’extérieur de la ruche, plus le cœur sera chaud. Cette chaleur produite est destinée à chauffer la grappe entière pour maintenir le groupe en vie (particulièrement en périphérie de la grappe où il fait le plus froid), mais ne sert pas à chauffer la ruche. La chaleur est dispensée aux abeilles pas à l’habitation !

En périphérie de la grappe, les abeilles forment une sorte de manteau couvrant destiné à éviter les déperditions de chaleur. Les couches d’abeilles superposées, tête vers l’intérieur de la grappe, ont un fort pouvoir isolant, lié notamment aux poils thoraciques qui s’entremêlent lorsque les abeilles sont serrées. Ce manteau a une structure plus ou moins lâche et se resserre lorsque la température descend. Un gradient de température est observé dans la grappe de l’intérieur vers l’extérieur, avec, en hiver, pour le manteau externe, une température comprise entre 6 °C (température de survie de l’abeille sur une courte période avec risque de mort si cela se prolonge) et 12 °C (léthargie de l’abeille).

Ce système performant minimise la production de chaleur afin d’ajuster le métabolisme global au minimum nécessaire, et ainsi éviter le gaspillage des réserves de nourriture et ménager la durée de vie des abeilles.

La consommation de ses réserves d’hiver par la grappe suppose des échanges gazeux représentant quelque 10 m3 d’O2, autant de CO2, et la production d’un seau d’eau à peu près.

Le nombre d’abeilles qui constituent la grappe est un élément déterminant. Il a été montré que la capacité à produire et à maintenir la chaleur au sein de la grappe dépendait du nombre d’abeilles, parce qu’il y a un relai entre les abeilles (travail épuisant) et qu’au niveau du manteau les pertes (gaspillages) de chaleur sont plus grandes quand il y a moins d’abeilles.

Une masse plus petite produira moins de chaleur et en gaspillera plus, et c’est exponentiel (une grappe de 400 g = 4 000 abeilles est quasiment inapte à la survie).

D’autre part, le métabolisme global augmente avec le nombre d’individus, mais moins vite à basse température. Un constat intéressant a été fait : une grappe de moins de 17 000 abeilles dépensera plus d’énergie à 2 °C qu’à 15 °C et ce bilan s’inverse si la grappe a plus de 17 000 abeilles (dépense énergétique moindre à 2 °C). Au-delà de 18 000 abeilles, l’économie d’énergie n’est plus significative.

Ces notions de taille de grappe et de consommation énergétique doivent être prises en compte par l’apiculteur pour le nourrissement, l’isolation et la ventilation de la colonie hivernante.

Pour rappel : 1 dm2 de cadre recouvert d’abeilles équivaut à un nombre de 140 abeilles, et un cadre Dadant = 10 dm2 .

 

Pour en savoir plus : http://www.parole-apiculteur.fr/wp-content/uploads/2013/01/Synth%C3%A8se-Parole-dapiculteur-Hivernage.pdf

Voir aussi:

Auteur:« Parole d’apiculteur », Gérald Therville, Véto-Pharma 2013
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