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Façonner son candi

La survie hivernale des colonies est un thème qui divise les apiculteurs par ses contradictions, ses préjugés, ses hypothèses, ses partis pris… L’apiculteur chevronné se fiera à son expérience et suivra de près les variations météo de novembre à mars pour estimer la date de la reprise de la ponte royale et le volume du couvain à chauffer. Mais l’apiculteur débutant est contraint d’écouter les questionnements des Collègues inquiets : faut-il nourrir ou non en hiver ?

1. Introduction

La plupart des grosses colonies de production, correctement nourries et traitées contre le varroa (1), ne posent pas de problème d’hivernage. Il peut en aller tout autrement des petits nucs (ou nuclei) créés tardivement après la récolte. Le rapport surface/volume de leur grappe hivernale est défavorable et leur déperdition de chaleur peut entraîner une surconsommation des réserves de miel. Un retour de froid courant février, lorsque la ponte a repris, pourrait entraîner une famine et condamner ces petites colonies à mourir de faim puis de froid. L’apiculteur averti doit soupeser ses petites colonies et donner un coup de pouce à celles qui risquent d’avoir faim en leur offrant un peu de candi.

A la question faut-il nourrir au sirop ou au candi, la réponse est assez simple. Lorsqu’il fait très froid, les abeilles ne consomment pas le sirop présent dans un nourrisseur car celui-ci est trop éloigné de la grappe et souvent trop froid pour être absorbé par des ouvrières à la limite de l’engourdissement. En revanche, les ouvrières consomment volontiers du candi offert sur la tête des cadres, tout proche de la grappe, où la température est la plus douce. Un autre avantage du candi, c’est qu’il est plutôt consommé pour les besoins immédiats que stocké pour une utilisation ultérieure ; il ne se retrouvera qu’en quantité négligeable dans les hausses au moment de la récolte et, pendant l’hiver, il laisse donc suffisamment de place à la colonie pour se déplacer et pour élever le couvain. L’autre avantage du candi c’est qu’il ne stimule pas (trop) la ponte de la reine et n’induit pas un déséquilibre entre nourrices et couvain ; il ne favorise donc pas un essaimage non désiré au mois de mai prochain. En résumé, le candi est avant tout un carburant permettant de chauffer la colonie.

Ok, on est au clair… mais comment façonner son candi ?

En apiculture, on appelle « candi » la pâte de sucre utilisée pour le nourrissement des abeilles. Cette pâte est composée de plus de 80% de 3 sucres principaux (saccharose, glucose ou sucre de raisin et fructose ou sucre de fruits, voir fig. 1) et de moins de 20% d’eau. Ces concentrations sont assez proches de celles du miel. A part ces 3 sucres principaux, le miel contient un faible pourcentage (3.5%) de sucres de structures différentes (par ex. du mélézitose, du lévulose, du maltose, du centrose, du maltotriose…), 0.25% de protéines (peptones, albumines, globulines, des nucléo-protides…), des grains de divers pollens, des oligo-éléments ou sels minéraux indispensables à la survie des abeilles (cuivre, magnésium, sodium, manganèse, calcium, potassium…), des enzymes (l’alpha-amylase, la glucose-oxydase et la catalase…), des vitamines du groupe B, etc. Le miel est doté d’un pH acide, allant de 3,2 à 4,5 pour une moyenne de 3,9 et en fonction de la provenance des nectars/miellats, il contient des composés aromatiques qui permettent de le typiser (colza, thym, romarin, lavande, faux-acacia, sapin, châtaignier…)

Fig. 1 : Aperçu des glucides simples et des glucides complexes ainsi que les formules moléculaires du glucose, fructose et (di)saccharose ou sucre de betterave ordinaire

 

Le sucre commun du commerce est le saccharose ou disaccharose ou encore sucrose, c’est-à-dire une molécule «double» constituée d’une molécule de glucose collée à une molécule de fructose (Cf annexes). La molécule de disaccharose peut ainsi être scindée en deux (glucose et fructose) par une enzyme dite «invertase». 

Il existe 2 méthodes simples pour façonner du candi, à la portée de tous, même pour ceux qui sont nuls en confiserie.

2. La première méthode est celle du candi à froid

Fig. 2 : Pétrin ménager ou pétrin de boulanger pour le candi à froid

Avantages : archi simple, pas de cuisson, pas de temps de refroidissement de la masse, possibilité d’incorporer du miel (plus proche des réserves naturelles), des protéines (pour une meilleure nutrition des larves ?), des acides pour favoriser l’invertase, de l’huile pour améliorer la texture de la pâte... L’incorporation d’ingrédients multiples dans le candi à froid est un sujet de réflexion sans fin… L’incorporation de miel est probablement favorable car son odeur va attirer les ouvrières affamées et il apportera les éléments décrits ci-dessus. Attention à la provenance du miel car il peut contenir des spores de loque ou de Nosema ! Une incorporation de protéines est également un plus… pour autant que ces protéines soient utiles aux abeilles. Les meilleures protéines sont fournies par du pollen récolté frais au printemps précédent et congelé. Les protéines animales ou végétales (œufs, levures de bière, farine de soja…) sont peut-être mal absorbées et mal métabolisées car trop différentes des protéines issues du pollen que les abeilles butinent depuis 100 millions d’années ? L’incorporation de vinaigre (de pomme à 1%) ou d’acide (citrique à 0.5%, tartrique… ?) est peut-être utile pour acidifier le candi (à l’image du miel) et favoriser l’action de l’invertase ?

Inconvénients : le prix du sucre glace est un peu plus élevé que celui du sucre cristallisé. L’action de l’invertase n’est pas spontanée. Le façonnage nécessite un pétrin de bonne puissance.

Ingrédients :

  • du saccharose (glucose+fructose) sous forme de sucre glace (obtenu par un broyage minutieux du sucre cristallisé ; les gros cristaux du sucre ordinaire sont moulus et forment de très petits cristaux bien plus facilement absorbés par les ouvrières). Le sucre ordinaire ne convient pas au façonnage du candi à froid ; il faut impérativement utiliser le sucre glace.
  • 2.5 dl eau / kg de sucre glace.
  • on peut rajouter de nombreux autres ingrédients de son choix (voir ci-dessus) sans changer la texture du produit final puisque la préparation n’est pas chauffée.                                

Préparation : brasser l’eau et le sucre glace avec un pétrin de boulanger. L’utilisation d’un robot ménager n’est pas conseillée car la masse est trop compacte et le moteur du robot risque de «griller»… Au bout de 15 minutes, la masse du candi est homogène et celui-ci peut être conditionné en portions d’un kg dans des récipients à rebords assez bas pour pouvoir se loger sur le trou du couvre-cadres, au proche contact des ouvrières et sous l’isolation thermique (feuille isobulle/alu) qui se trouve au-dessus du corps de ruche. On peut également conditionner le candi dans des sachets en plastique, sous vide et thermoscellés, pour garantir une texture parfaite à long terme. Le sachet, avec une perforation au couteau, est positionné, comme le récipient ci-dessus, sur le trou du couvre-cadres. Il s’adapte particulièrement bien sous la feuille isolante décrite ci-devant. Les ouvrières se déplacent vers la tête des cadres, où la température est la plus douce et où l’hygrométrie est plus élevée. Elles grignotent le candi en fonction des besoins pour la thermorégulation de la colonie.

3. Méthode alternative : le candi à chaud

Fig. 3 : casserole (fait-tout) ou cuve de chauffe

Avantages : on peut utiliser du sucre glace (comme pour le candi à froid) ou du sucre cristallisé. Au plan chimique, les 2 présentations sont identiques. La seule différence est la taille des cristaux du sucre. Le sucre est chauffé jusqu’à devenir liquide, les cristaux « fondent », pour se réorganiser lors du refroidissement progressif. Le prix du sucre cristallisé est plus bas que celui du sucre glace. Le conditionnement du sucre cristallisé en sacs de 25 kg est intéressant pour le façonnage de grandes quantités de candi. La mise en température du sucre permet l’action de l’invertase (inversion du disaccharose en glucose et fructose), et l’évaporation d’une partie de l’eau. La composition du candi à chaud est donc plus proche de celle du miel. Pas besoin d’un pétrin de boulanger.

Inconvénients : il faut chauffer la masse avec précision jusqu’à 117°C. Nécessité d’utiliser une grande cuve pour éviter les débordements du sucre bouillant juste avant la fin de la montée en température et donc attention aux risques de brûlures. Brûleur à gaz puissant. Le temps de refroidissement de la masse de 117°C à 60°C pour débuter le brassage est très long (plusieurs heures selon le volume) car le sucre a une inertie endothermique très importante. Nécessité d’utiliser un thermomètre de confiserie de haute précision ou un thermomètre à laser. L’incorporation de miel ou de protéines en fin de chauffage peut conduire à des modifications de la texture finale du candi. Ces ingrédients pourraient perdre une partie de leurs propriétés et être dénaturés à cause de la température très élevée de la masse. Le chauffage du miel forme du 5-hydroxyméthyl-2-furfural (HMF) qui pourrait être toxique pour les abeilles. Les spores de loque et de Nosema résistent aux températures du candi à chaud. Brassage avec un malaxeur électrique puissant.

Ingrédients :

  • sucre cristallisé (meilleur marché) ou sucre glace (plus cher)
  • 2 dl eau / kg de sucre cristallisé 

Préparation : verser l’eau dans la cuve de chauffe. Enclencher le brûleur. Lorsque l’eau est chaude, incorporer le sucre cristallisé et brasser constamment pour éviter une caramélisation sur le fond et les parois de la cuve . Si le sucre brunit, la formation d’un candi homogène lors du refroidissement risque de mal fonctionner. Lorsque la masse s’éclaircit et devient un liquide épais, de plus en plus transparent, avec une coloration dorée, arrêter de brasser et laisser monter progressivement en température. Le sucre conduit mal la chaleur et la configuration de la marmite est telle que la chaleur est appliquée au fond de la cuve alors que le thermomètre mesure la température du dessus. Il faut immerger le thermomètre pour mesurer la température au centre de la masse. Autour de 105°C, le liquide se met à bouillonner et mousser intensément et il peut déborder par-dessus le rebord de la cuve. Il faut donc baisser un peu la flamme du brûleur pour poursuivre une montée en température plus lente et utiliser une cuve d’une capacité double par rapport au volume de la masse de départ. Attention aux brûlures. Après ce palier compliqué, laisser le liquide monter encore en température, mousser de moins en moins, jusqu’à très précisément 117°C, mais PAS PLUS ! Couper immédiatement le brûleur pour ne surtout pas dépasser ce chiffre et laisser refroidir la préparation transparente légèrement ambrée. En refroidissant, le liquide va présenter, en surface, une fine croûte transparente, évoquant une couche de glace à la surface d’un liquide en train de figer avant de geler. Ne plus toucher jusqu’à ce que la température du liquide atteigne environ 60°C. A cette température, le sirop très épais est en surfusion. La surfusion est l'état d’une matière qui demeure en phase liquide alors que sa température est plus basse que son point de solidification. Il faut alors brasser vigoureusement avec le malaxeur électrique jusqu’à l’obtention d’une pâte blanchâtre à cristallisation très fine, soit pendant environ 1-2 minutes. Le candi est prêt à être conditionné dans des récipients ou des sachets en plastique, sous vide et thermoscellés. Attention, ce candi est encore très chaud et peut brûler les doigts… donc un peu de patience… avant le conditionnement.

 

 

Cuve et brûleur  
Mise à feu pour chauffer l’eau  
Rajouter le sucre  
Brasser en continu pour éviter la caramélisation du sucre  
Autour de 105°C, la masse bouillonne et mousse  
Arrêter le brûleur dès que la température de 117°C est atteinte  
A 117°C, la masse ne bouillonne plus ; laisser refroidir sans plus toucher  

Changement de cuve pour la cuisson d’un nouveau lot…

 

Il y en aura pour tou le monde…

 

Brassage au malaxeur électrique dès que la température atteint environ 60°C

 
Après 1-2 minutes de brassage le liquide devient de plus en plus pâteux, pour finalement former le candi prêt à être conditionné en récipients ou en sachets  

Mise en sachets (on utilise des briques de lait pour obtenir le poids approximatif de 1 kg)

 
Mise en sachets sous vide et thermoscellés  

Produit fini…

 
Conditionné, prêt à l’emploi  

4. Un peu de théorie

Quelques définitions des sucres simples ou composés   
Quelques définitions de chimie organique  
Quelques exemples de sucres complexes  
Quelques définitions de sucres permettant de stocker l’énergie chez l’être vivant  
Candi apicole  

 

Sources:

 

 

Auteur
ApiSion : Elia Gabrieli & Claude Pfefferlé
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