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Economiser les reines de valeur

La reine a une durée de vie de 4-5 ans. Cela peut paraître beaucoup. Pourtant, il faut 1-2 ans pour reconnaître une reine de valeur et la sélectionner pour la (re)production. Pour conserver cette reine le plus longtemps possible, il faut ménager sa ponte, qui est dépendante du nombre de spermatozoïdes présents dans sa spermathèque. Différentes techniques permettent de moduler la ponte : taille de la colonie, surface des alvéoles vides, population des jeunes abeilles, ressources protéiques…

Ce qui influence la durée de vie d’une reine

La durée de vie de la reine, pouvant atteindre 4 à 5 ans, est étroitement liée au nombre de spermatozoïdes contenus dans la spermathèque de la reine, lequel dépend de la qualité des fécondations puis du rythme de ponte de la reine (Baer, 2016). Les fécondations peuvent être maitrisées de manière à optimiser le remplissage de la spermathèque : fécondations naturelles dans un environnement riche en faux-bourdons pendant un créneau météorologique adapté, insémination avec un volume adéquat de semence… Ces paramètres seront assez simples à contrôler lorsque la saison s’y prête.

Le rythme de ponte, quant à lui, peut être maîtrisé par l’apiculteur en jouant sur :

  • La taille globale de la colonie (le nombre d’ouvrières accompagnant la reine) : Plus la colonie est populeuse, plus la surface en couvain aura tendance à être importante, et donc plus la reine sera poussée vers un rythme de ponte élevé (et mobilisera davantage le contenu de sa spermathèque) (Harbo 1986). Une reine introduite dans une colonie très peuplée ne sera donc pas en bonne conditions pour être utilisée pendant plusieurs années. A l’inverse, une reine placée dans une trop faible population risque de ne pas hiverner dans de bonnes conditions, ce qui peut également affecter sa survie.
  • La surface disponible à la ponte : La ponte de la reine est facilitée lorsque celle-ci dispose de nombreuses alvéoles vides pouvant être garnies d’œufs (par exemple, du couvain venant d’éclore…) (Harbo 1988). A l’inverse, en situation de blocage de ponte (lors d’une forte miellée, par exemple), la reine aura moins d’espace disponible et aura tendance à restreindre sa ponte.
  • La quantité de jeunes abeilles de la colonie : la reine et les larves sont approvisionnées en gelée royale par les nourrices (jeunes abeilles). Une colonie possédant de nombreuses nourrices pourra prendre en charge un couvain plus important qu’une colonie majoritairement composée de butineuses (Schmickl 2004) ; par ailleurs, la reine sera nourrie plus efficacement dans le premier cas et aura elle-même un comportement de ponte plus intense (Farrar, 1931).
  • Les ressources disponibles : la reine d’une colonie ayant de nombreuses ressources protéiques (et glucidiques) à disposition aura un rythme de ponte plus élevé pendant ces périodes d’abondantes ressources (en l’absence de blocage de ponte), du fait d’une meilleure alimentation (Farrar 1931, Keller 2005, Imdorf 2008).

Quels leviers d’action pour les apiculteurs ?

Peu de méthodes sont décrites dans la littérature afin d’économiser la ponte des reines. Néanmoins, au vu des facteurs qui l’affectent, l’apiculteur pourra influencer le comportement de ponte de la reine en jouant sur plusieurs paramètres :

  • Limitation de la taille de la ruche : préférer des formats intermédiaires (ruchettes, éléments de ruche Warré…) à des formats plus gros (ruche Dadant de production…), favorables à un rythme de ponte élevé, ou plus petits (Miniplus…), délicats à hiverner ;
  • Limitation de la surface disponible à la ponte : mettre à disposition de la reine un nombre de cadres pouvant être pondus limités, correspondant à son maintien dans une colonie de petite taille (ajouter/supprimer des cadres vides…) ;
  • Jouer sur la taille de la colonie et/ou le ratio nourrices/butineuses pour limiter la quantité de nourrices retrait de couvain naissant, prélèvement d’un paquet d’abeilles…) ;
  • Dans la mesure du possible, moduler les apports en nourriture en plaçant la colonie dans un environnement permettant un approvisionnement régulier mais non excessif en ressources polliniques et nectarifères.

L’apiculteur veillera également, par sa conduite vis-à-vis de varroa ou du choix de l’emplacement par rapport à des zones à risques (cultures traitées…) à minimiser les effets de pathogènes ou des risques phytosanitaires. Dans cette optique, il peut être judicieux de répartir les reines de valeur dans différents ruchers pour toujours avoir des ressources génétiques disponibles même en cas de problème spécifique sur l’un des emplacements.

Utilisation

Les reines de valeur seront ainsi plus à même d’être conservées plusieurs années. L’apiculteur prendra soin d’ajuster la population d’abeilles (par exemple, en renforçant à l’automne ou en prélevant des abeilles au printemps). Un cadres bâti sera introduit au sein du couvain 4 à 5 jours avant la date de greffage prévue, afin d’avoir à disposition des larves de taille satisfaisante (la reine pourra éventuellement être encagée sur le cadre) (Human 2013).

Un exemple pratique

Gilles Fert (Fert, 2009) recommande l’utilisation de la technique suivante pour conserver des reines de valeur : il suggère d’utiliser une ruche de production, placée en bâtisses chaudes (entrée parallèle aux cadres), avec une grille à reine permettant d’isoler la reine sur 3 cadres sur la partie la plus éloignée de l’entrée. Les butineuses auront tendance à stocker le miel et le pollen dans les cadres proches de l’entrée, limitant les risques de blocage de ponte trop prononcés sur les cadres où se trouve la reine. En saison, la reine aurait donc autour d’elle une population équilibrée et de taille modérée. Pour l’hivernage, la colonie est nourrie de manière attentive (notamment en pollen si besoin) et peut être renforcée avec 1 ou 2 cadres de couvain naissants issus d’autres colonies.

► Article: blog-itsap.fr/economiser-reines-de-valeur/

 

Auteur
Matthieu Guichard, Benjamin Basso
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