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Comportement et cognition : ce que nous apprend un mini cerveau

Le mini cerveau de l’abeille, qui comporte 10⁶ de cellules (10¹¹chez l’homme), lui permet non seulement de gérer des comportements stéréotypés, comme le butinage, mais grâce à sa plasticité ce cerveau s’adapte et permet à l’insecte de répondre à des problèmes nouveaux par un apprentissage souvent complexe. Le cerveau de l’abeille est capable de fournir des solutions ‘intelligentes’ à une vaste gamme de problèmes écologiques ou autres, comme c’est le cas chez les vertébrés et l’homme.

Par Martin Giurfa

Les insectes ont été considérés habituellement comme de simples petites machines à réflexes. D’après cette vision particulière, leur comportement serait essentiellement gouverné par des réactions stéréotypées, laissant peu de place à des phénomènes de plasticité. Cette vision, qui exclut donc la possibilité de s’attaquer à des problématiques liées à la cognition animale sur les insectes, a inspiré un nombre important de travaux en robotique. Elle ignore, cependant, que les insectes, comme la plupart des animaux, traitent des informations de leur environnement de façon adaptative et flexible, ce qui leur permet de répondre à un environnement changeant. Elle ignore aussi le succès évolutif remarquable des insectes, succès qui leur a permis de pénétrer et conquérir pratiquement tous les habitats disponibles de la planète, et de surpasser tous les autres organismes multicellulaires en nombre absolu et en nombre d’espèces. Ces faits suggèrent que le cerveau de l’insecte doit être capable de fournir de solutions ‘intelligentes’ à une vaste gamme de problèmes écologiques afin d’assurer un tel succès. Ces problèmes sont similaires ou identiques à ceux auxquels d’autres vertébrés, les Humains parmi ces derniers, doivent se confronter dans leurs environnements respectifs.

Ainsi, il est pertinent de se demander jusqu’à quel point les insectes sont uniquement capables de comportements rigides et de formes simples d’apprentissage, et si des niveaux additionnels de complexité cognitive impliquant des formes non- élémentaires d’apprentissage doivent être admis afin d’expliquer la richesse comportementale observée chez les insectes. En clair, comme chez la plupart des animaux, nous trouverons chez l’abeille des apprentissages de type élémentaire, c’est-à-dire des simples associations liant deux stimuli spécifiques (par exemple, un stimulus neutre et un renforçateur) ou une réponse et un renforçateur. Par leur spécificité même, ces associations sont limitées et ne permettent pas de gérer des situations dans lesquelles l’animal est confronté à de nouveaux stimuli. Nous nous demandons donc si le comportement plastique observé chez l’abeille peut être expliqué exclusivement en termes d’associations élémentaires ou si un niveau de complexité supérieur doit être admis afin de l’expliquer.

Dans ce chapitre, nous essayons de répondre à cette question à partir des études réalisées sur un modèle insecte, celui de l’abeille Apis mellifera. Ce modèle paraît particulièrement approprié pour ce type de problématique, car il combine une richesse comportementale remarquable avec un système nerveux relativement simple et accessible à partir de nouvelles techniques permettant de mesurer l’activité du cerveau in vivo et pendant l’apprentissage.

Le comportement de l’abeille dans un contexte naturel

La richesse comportementale de l’abeille (von Frisch 1967) justifie l’emploi de ce modèle dans les études sur les capacités cognitives des insectes. L’abeille vit en société et ne peut pas survivre longtemps en absence des autres membres de la ruche. Malgré sa petite taille, elle est capable de naviguer efficacement jusqu’à une dizaine de kilomètres entre la ruche et les sources de nourriture, les fleurs. Elle organise ses activités de butinage de nectar et/ou pollen suivant un travail ‘à la chaîne’ extrêmement rapide et efficient : elle visite et exploite successivement des fleurs appartenant toujours à la même espèce ; quand cette espèce n’offre plus de nectar ou de pollen, elle s’oriente vers une autre espèce. Ceci est le phénomène de ‘constance florale’. Les capacités sensorielles et les performances motrices sont très développées. Les abeilles voient le monde en couleur, perçoivent et discriminent des formes et des patterns et  sont capables de détecter les mouvements avec une résolution temporelle très haute. Leur sens de l’olfaction leur permet de distinguer un spectre important d’odeurs et leur perception mécanosensoriels est aussi extrêmement riche grâce à la présence de milliers de poils mécanosensoriels autour du corps de l’insecte et de propriocepteurs internes. Des comportements complexes peuvent avoir des bases innées (par exemple, la construction des cellules de la ruche) ou dépendre entièrement de l’expérience (par exemple, la manipulation effective de certaines structures florales dans le but d’extraire leur pollen et leur nectar). La sélection naturelle a souligné en particulier l’apprentissage d’informations spécifiques, caractéristiques des endroits intéressants, c’est-à-dire la ruche et les sources de nourriture. L’apprentissage de marques de terrain et d’informations célestes employées dans le contexte de la navigation (position azimutale du soleil, pattern de lumière polarisée dans le ciel) garantit le retour au nid et permet donc d’optimiser l’efficacité du butinage. Les abeilles communiquent la présence de sources de nourriture autour de la ruche au travers de mouvements ritualisés de leur corps qui reçoivent le nom de ‘danse frétillante’, un système de communication qui transmet l’information sur la direction et la distance à laquelle se trouve la source de nourriture exploitée (von Frisch 1967). Les abeilles qui suivent la danse d’une butineuse dans le noir de la ruche et sur la surface verticale des cadres sur lesquels elles se situent, obtiennent des mouvements de la danseuse l’information nécessaire pour trouver la source de nourriture exploitée : la vitesse des mouvements les informe sur la distance et l’angle de la phase frétillante par rapport à la verticale les informe sur la direction de vol par rapport au soleil. Dans les conditions naturelles, plusieurs danses ont lieu en parallèle au sein de la colonie. Différents processus de prise de décisions aux niveaux individuel et collectif peuvent être activés et devenir efficaces à partir d’une connaissance partielle de toute la gamme d’options disponibles.

Le comportement de l’abeille dans un contexte expérimental

La compréhension et l’analyse des mécanismes sous- jacents à ces comportements complexes ont besoin d’une approche expérimentale dans laquelle les traits essentiels du comportement de l’abeille sont préservés, mais, en même temps, le nombre de variables est réduit considérablement. Différentes approches ont été développées dans cet esprit a partir des travaux pionniers de Karl von Frisch, qui fut le premier à établir le travail scientifique expérimental destiné à comprendre le comportement des abeilles (1967). Deux paradigmes essentiels peuvent être cités ici à cause de leur importance dans l’étude de différentes facettes de l’apprentissage chez l’abeille : 1) le conditionnement olfactif du réflexe d’extension du proboscis chez des abeilles immobilisées et 2) le conditionnement du vol de rapprochement des abeilles en libre vol à un stimulus visuel explicitement récompensé.

Le conditionnement olfactif du réflexe d’extension du proboscis

Des abeilles immobilisées peuvent être conditionnées à répondre à des stimuli olfactifs (Takeda 1961 ; Bittermann et al. 1983). Dans ce paradigme, chaque abeille est fixée dans un petit tube métallique de telle façon que seulement sa tête en sort. Le seul mouvement possible à l’insecte est donc celui des antennes et des pièces buccales (mandibules et proboscis). Les antennes des abeilles sont leurs organes chemosensoriels; quand on touche les antennes d’une abeille affamée avec de la solution sucrée (par exemple avec un cure-dent imbibé de solution sucrée), elle étire son proboscis afin d’atteindre et lécher la solution sucrée (Fig. 1).

 

Figure 1. Conditionnement classique olfactif du réflexe d’extension du proboscis chez l’abeille. Quand les antennes d’une abeille affamée et immobilisée dans un tube de métal sont mises en contact d'une goutte de solution sucrée, l’insecte étire son proboscis et boit la solution. Les odeurs envoyées vers les antennes ne déclenchent pas cette réponse chez des animaux naïfs (à gauche : avant le conditionnement). Si, par contre, une odeur précède l’arrivée de solution sucrée (conditionnement de type forward), une association est créée qui permet à l’odeur de déclencher l’extension du proboscis (PER) dans les tests suivants. (au milieu). Les courbes d’acquisition (à droite) montrent une expérience de conditionnement différentiel avec deux odeurs ; une odeur est appariée à la solution sucrée (CS+) alors que l’autre odeur ne l’est jamais (CS-). Les essais C+ et CS- sont intercalés. Les abeilles apprennent à répondre au CS+ et non pas au CS-.

Les odeurs envoyées vers les antennes ne déclenchent pas cette réponse chez des animaux naïfs. Si, cependant, une odeur précède l’arrivée de solution sucrée (conditionnement de type forward), une association est créée qui permet à l’odeur de déclencher l’extension du proboscis (PER) dans les tests suivants. Cet effet est clairement associatif et constitue un exemple de conditionnement classique (pavlovien), car la contingence apprise par l’abeille associe deux stimuli (Bittermann et al. 1983) : l’odeur, en tant que stimulus conditionnel (CS), et la solution sucrée, en tant que stimulus renforçateur ou inconditionnel (US).

Cette préparation offre un avantage supplémentaire au- delà de sa simplicité pour étudier l’apprentissage : elle permet d’étudier les bases physiologiques de l’apprentissage olfactif. Il est en effet possible de visualiser le cerveau de l’abeille immobilisée dans le tube de métal à partir d’une ouverture dans la cuticule de la capsule de la tête. Cette capsule est constituée de chitine et elle n’est pas innervée, la procédure n’étant donc pas invalidante pour l’animal qui apprendra de la même façon que des animaux non-opérés. Il est donc possible de visualiser l’activité du cerveau in vivo pendant que l’abeille apprend. Des corrélats physiologiques de différentes formes d’apprentissage olfactif peuvent être identifiés à différents niveaux, allant du moléculaire et du biochimique à des neurones spécifiques ou des ensembles neuronaux dont l’activité peut être rendue évidente grâce à des techniques d’imagerie.

Le conditionnement du vol de rapprochement des abeilles à un stimulus visuel explicitement récompensé

Les abeilles en libre vol peuvent être conditionnées à des stimuli visuels telles que des couleurs, des formes et des patterns (von Frisch 1967). Dans ce paradigme, chaque abeille est individualisée (par exemple, avec des marques de couleur sur le thorax) et entrainée à voler vers l’endroit expérimental où elle est récompensée avec une goutte de solution sucrée à condition qu’elle se pose sur le stimulus visuel approprié. Les contingences établies dans ce contexte associent stimuli visuels (CS) et renforcement de solution sucrée (US), mais aussi la réponse de l’animal (voler vers, atterrir sur un objectif visuel) et le renforcement ; les abeilles apprennent ainsi qu’une information visuelle spécifique (la couleur, par exemple) est associée à une récompense de solution sucrée et qu’elles doivent se poser sur cette couleur afin d’obtenir la récompense.

Les études employant ce paradigme comportemental ont pu identifier les informations visuelles apprises par les abeilles. Les abeilles apprennent à associer toutes les couleurs de leur spectre visuel (de 300 nm à 650 nm) avec un renforcement, mais différents taux d’apprentissage sont observés pour différentes couleurs. Elles peuvent aussi apprendre à discriminer différentes formes, silhouettes et patterns visuels bien qu'un nombre d’essais d’apprentissage plus important soit nécessaire par rapport au cas de la couleur. Les abeilles sont capables de reconnaitre des stimuli visuels à partir de leur position dans le champ visuel, leur orientation spatiale, leur géométrie, leur taille, leur fréquence spatiale, leur profondeur, leur contraste de mouvement et leur symétrie. Bien que pour des raisons évidentes il ne soit pas possible de réaliser des études physiologiques sur l’activité cérébrale d’un insecte en libre vol, ce paradigme a l’avantage d’exploiter la richesse comportementale associée au libre vol, richesse qui est diminuée quand l’animal se trouve immobilisé dans le paradigme du conditionnement olfactif du réflexe d’extension du proboscis.

Résolution de problèmes dans le contexte de la discrimination visuelle

Au-delà des simples associations entre couleur et récompense ou formes et récompense qui sont à la base de plusieurs discriminations visuelles, les abeilles sont capables de performances de discrimination visuelle qui leur permettent de répondre de façon adaptative à des stimuli qu’elles n’ont jamais vus préalablement. Ce comportement discriminatif repose sur la capacité de catégoriser des stimuli visuels. La catégorisation de stimuli visuels est une tâche comportementale qui a été étudiée et démontrée essentiellement chez des vertébrés, en particulier, chez ceux caractérisés comme étant particulièrement aptes à résoudre des tâches d’apprentissage complexes (pigeons, dauphins, primates). Cependant, récemment il a été démontré que les abeilles sont aussi capables de catégoriser des stimuli visuels. Typiquement, une expérience de catégorisation pose à un animal un problème de discrimination ou de choix de stimuli, dans lequel le renforcement n’est pas signalé par un stimulus unique, mais plutôt par une variété de stimuli partageant une ou plusieurs caractéristiques communes. L’animal doit être capable d’extraire les caractéristiques renforcées afin de pouvoir grouper les stimuli dans les catégories pertinentes. L’expérience doit aussi pouvoir montrer un transfert vers de nouvelles instances, c’est-à-dire, l’animal entraîne dans ce type de problème doit être capable de catégoriser des stimuli auxquels il n’a jamais été confronté si ceux-ci présentent les caractéristiques typiques de la catégorie renforcée. Il est donc évident que ce type de performance ne peut pas s’inscrire dans le cadre de simples associations élémentaires, car celles-ci ne suffiraient pas à expliquer le transfert vers de nouveaux stimuli sur lesquels l’animal n’a pas une expérience explicite.

La catégorisation chez les abeilles a été bien étudiée dans le cas de la symétrie bilatérale. Il a été démontré que des abeilles entrainées avec une succession changeante de stimuli visuels de façon à renforcer les stimuli bilatéralement symétriques et non pas les asymétriques (ou vice versa) apprennent cette information abstraite (symétrie vs. asymétrie) et peuvent la transférer à de nouveaux stimuli symétriques et asymétriques qu’elles n’ont jamais vu (Giurfa et al. 1996). Les abeilles sont donc bien capables de catégoriser des stimuli visuels, car elles regroupent des objets nouveaux dans des catégories bien définies résultant de leur entraînement. Le transfert vers de nouveaux stimuli qui étaient très différents des stimuli employés lors de l’entraînement, la présence ou non de symétrie mise à part, suggère qu’à un certain stade, des processus d’abstraction doivent avoir lieu dans le cerveau de l’abeille.

Une forme plus spectaculaire d’apprentissage non- élémentaire est mise en évidence dans des expériences dans lesquelles les abeilles sont entrainées suivant le schéma de la tâche appelée ‘delayed matching-to- sample’ (Giurfa et al. 2001). Dans cette expérience, un animal est typiquement confronté à un échantillon et ensuite à une série de stimuli parmi lesquels un est identique à l’échantillon. L’animal doit apprendre à choisir toujours le stimulus qui est identique à l’échantillon indépendamment des caractéristiques physiques particulières de l’échantillon qui, de plus, change régulièrement. L’animal doit donc apprendre la règle : “choisis toujours ce qu'on te montre en tant qu’échantillon indépendamment des propriétés particulières de l’échantillon”.

Afin de déterminer si les abeilles peuvent apprendre un tel principe d’équivalence, elles sont entrainées avec un échantillon changeant et non renforcé à l’entrée d’un labyrinthe en Y (l’échantillon peut être soit un disque de couleur bleue ou jaune, ou un disque avec des barres blanches et noires verticales ou horizontales)  (Giurfa  et  al. 2001).   Les   abeilles reçoivent une récompense de solution sucrée si et seulement si elles choisissent à l’intérieur du labyrinthe le stimulus qui correspond à l’échantillon vu à l’entrée. Les abeilles entraînées avec les couleurs jaune et bleue sont mises en présence de stimuli à barres verticales ou horizontales qu’elles n’ont jamais vus auparavant (Fig. 2). De même d’autres abeilles entraînées avec les stimuli à barres verticales ou horizontales sont mises en présence de disques de couleur jaune ou bleue qu’elles ne connaissent pas. Dans les deux cas, les abeilles ont choisi à l’intérieur du labyrinthe le stimulus correspondant à l’échantillon montré, bien qu’elles soient confrontées pour la première fois à ce type d’échantillon. Elles sont donc capables de résoudre l’expérience de ‘delayed matching-to-sample’ et de construire un principe d’équivalence qui va au-delà de stimuli spécifiques.

De la même façon, la capacité à établir un principe de différence a été aussi démontrée chez les abeilles (Giurfa et al. 2001). Dans ce cas, l’expérience employée est celle du ‘delayed non-matching-to sample’ où l’animal doit toujours choisir le stimulus contraire à l’échantillon qui lui est présenté. Les abeilles peuvent aussi résoudre ce type de problème, ce qui souligne leur capacité à produire des comportements sophistiqués au-delà de simples associations élémentaires.

Figure 2: Les abeilles peuvent apprendre un principe d’équivalence. Performances d’acquisition et transfert d’abeilles dans une expérience de ‘delayed matching-to-sample’ dans laquelle elles sont entrainées avec des couleurs (Expérience 1) ou avec des patterns à raies blanches et noires, verticales ou horizontales (Expérience 2). a) Acquisition : les courbes montrent la performance d’acquisition groupée en blocs de dix visites consécutives au dispositif pour chaque expérience. (b,c) Tests de transfert : (b) Dans l’Expérience 1, les abeilles entrainées avec les couleurs ont été testées avec les patterns à raies blanches et noires. (c) Dans l’Expérience 2, les abeilles entrainées avec les patterns ont été testées avec les couleurs. Dans les deux cas, les abeilles choisissent le nouveau stimulus à l’intérieur du labyrinthe correspondant à l’échantillon présenté à l’entrée, bien qu’elles n’aient pas d’expérience explicite sur ces nouveaux stimuli. n : nombre de choix (Giurfa et al. 2001).

Le mini cerveau de l’abeille : design et architecture cognitive

La richesse et la sophistication comportementale mises en évidence chez l’abeille ont leur origine dans un mini cerveau qui a un volume de 1 mm3 et qui contient 960 000 neurones (Fig. 3). La description de l’organisation neuronale de ce cerveau peut être simplifiée à partir de la reconnaissance de trois principes d’organisation fondamentaux :

  1. Neuropiles spécialisés. Comme dans tout cerveau, des régions de tissu nerveux spécialisées (neuropiles) dans le traitement d’informations sensorielles spécifiques (vision, olfaction, etc.) seront facilement identifiables dans le cerveau de l’abeille.
  2. Neurones spécialisés. Dans le cerveau de l’abeille, comme dans le cerveau d’autres insectes, il est possible d’identifier des neurones uniques qui peuvent être reconnus de façon récurrente d’une abeille à l’autre et dans la même abeille à cause de leur morphologie unique et de leur fonction unique dans des routines sensorimotrices définies. Ceci constitue une spécificité du cerveau de l’invertébré, car une telle identification récurrente de plusieurs neurones individuels s’avère techniquement difficile dans le cas du vertébré.

  3. Centres d’intégration d’ordre supérieur. Comme dans d’autres cerveaux, des centres où convergent plusieurs voies de traitement de l’information sensorielle peuvent être identifiés dans le cerveau de l’abeille.  Ces structures constituent donc des Centres d’intégration multimodale permettant d’associer divers stimuli lors de l’apprentissage et de la mémorisation. Ce qui les rend particulièrement intéressants, c’est la possibilité qu’ils offrent en tant que substrat pour des formes de plasticité non élémentaire où se manifesterait, par exemple, le transfert entre modalités sensorielles différentes (voir ci-dessus).

Figure 3. Reconstruction tridimensionnelle d’un cerveau d’abeille en vue frontale faite à partir de techniques de microscopie confocale. Plusieurs neuropiles y sont indiqués : ME : medulla; LO : lobula ; ME + LO + Lamina (non visible) constituent les lobes optiques, la région du cerveau où se fait le traitement primaire de l’information visuelle; AL : lobe antennaire, le neuropile olfactif primaire; PL : lobe protocérébral, un neuropile dont la fonction est mal connue ; SOG : ganglion subœsophagique, une région du cerveau liée aux entrées gustatives ; CB: une région du cerveau liée aux réponses motrices. Les deux structures proéminentes et symétriques qui occupent la partie centrale du cerveau sont les corps pédonculés ou corps en champignon. Chaque corps pédonculé consiste de deux subunités, les calices, latérales (LC) et médianes (MC). Les calices constituent la région d’entrée des différentes voies sensorielles (vision, olfaction). Les lobes a et b constituent la région de sortie. Echelle = 200 µm.

Différentes approches peuvent être employées pour étudier la cognition du mini cerveau de l’abeille à ces trois niveaux. Trois exemples sont donnés par la suite, un pour chaque niveau.

1. Neuropiles spécialisés

Le cas du lobe antennaire Les lobes  antennaires  sont  les  neuropiles  olfactifs primaires dans le cerveau de l’abeille. Leur fonction est de  traiter  et  coder  l’information  olfactive  en provenance des récepteurs olfactifs sur les antennes (Fig. 4).

Figure 4. a) Le lobe antennaire est le neuropile olfactif primaire dans le cerveau de l’abeille. Deux lobes antennaires (un dans chaque hémisphère cérébral) peuvent être identifiés dans le cerveau de l’abeille. Les glomérules olfactifs sont les unités fonctionnelles du lobe antennaire. Ces glomérules constituent les régions de convergence des terminaisons dendritiques des récepteurs olfactifs et des neurones de projections vers des centres supérieurs. Des connexions latérales entre glomérules sont aussi assurées par des interneurones locaux. Chaque lobe antennaire est fait de 160 glomérules. L’imagerie calcique permet d’enregistrer les motifs spatiaux d’activation glomérulaire quand une odeur stimule l’antenne d’une abeille. Chaque odeur détermine un motif spatial d’activation glomérulaire spécifique. Les couleurs sont employées pour indiquer le niveau d’activation, rouge correspondant aux maximum et bleu au minimum. b, c) Motifs d’activation correspondant au pentane et à la 2-heptanone, respectivement.

Le cerveau de l’abeille présente deux lobes antennaires (un par antenne ou hémisphère cérébral). Les lobes antennaires constituent l’équivalent du bulbe olfactif des mammifères ; ces deux structures présentent des principes communs d’architecture et de fonctionnement. Les deux sont constituées de plusieurs glomérules (160 dans le cas du lobe antennaire). Dans le cas du lobe antennaire, les glomérules sont des structures globulaires qui constituent les régions de convergence des terminaisons dendritiques des récepteurs olfactifs qui se trouvent sur les antennes de l’abeille et des neurones de projections qui transfèrent l’information vers des centres supérieurs (les corps pédonculés et les lobes protocérébraux); des connexions latérales entre glomérules sont assurées par des interneurones locaux (Galizia et Menzel 2000). Afin d’étudier le codage olfactif au niveau du lobe antennaire, une combinaison d’études neuroanatomiques et d’imagerie cérébrale a été adoptée (Joerges et al. 1997). Les études de neuroanatomie ont permis d’établir une cartographie précise du lobe antennaire, ce qui permet d’identifier des glomérules individuels à partir de leur forme et position. Les études d’imagerie ont permis de comprendre comment se fait le codage et la représentation des odeurs au niveau du cerveau de l’abeille.

Le principe de base sous-jacent à l’imagerie calcique employée dans les études du lobe antennaire, est la libération de calcium par des cellules excitées. Ainsi, des produits fluorescents qui s’unissent au calcium (‘calcium sensitive dyes’) sont employés pour baigner le cerveau de l’abeille stimulée avec des odeurs choisies. Quand les neurones sont excités par la stimulation olfactive, ils libèrent du calcium qui s’unit aux produits fluorescents. Ceci détermine un changement de fluorescence, détectable à partir d’une caméra CCD dirigé vers le lobe antennaire. De cette façon, il est possible de visualiser l’activité cérébrale pendant que l’insecte sent des odeurs. Ces études ont dévoilé les mécanismes de codage olfactif chez l’abeille naïve : chaque odeur est codée en termes d’un motif spatial d’activation glomérulaire (Fig. 4). Quand deux odeurs sont présentées dans un mélange, la représentation glomérulaire est similaire, mais non identique à la somme des représentations glomérulaires correspondant aux odeurs composantes individuelles. Au fur et à mesure que des composantes s’ajoutent au mélange, le motif spatial change et les interactions inhibitrices deviennent de plus en plus évidentes.

La méthode de l’imagerie calcique étant déjà établie dans le cas du lobe antennaire, la question à laquelle il faut répondre maintenant est celle du rôle de l’expérience dans la modification éventuelle des motifs d’activation glomérulaire. Comment l’apprentissage olfactif modifie-t-il les représentations neuronales des odeurs au niveau du lobe antennaire ? Est-ce que différents types d’apprentissages olfactifs renvoient à des représentations glomérulaires différentes pour une même odeur ? Une première étude (Faber et al. 1999) a montré que l’apprentissage élémentaire différentiel (l’abeille doit apprendre à réagir à une odeur renforcée et à inhiber sa réaction à une odeur non renforcée) détermine des changements qualitatifs mais non pas quantitatifs dans la représentation de l’odeur renforcée. Le motif d’activation glomérulaire reste donc le même pour l’odeur renforcée, seule l’intensité de l’activation augmente. On ne détecte pas de changements significatifs dans le cas de l’odeur non renforcée.

2. Neurones spécialisés : le cas du neurone VUMmx1

VUMmx1 est un neurone identifiable dans le cerveau de l’abeille dont le nom correspond à sa localisation neuroanatomique (le nom correspond aux sigles de neurone ‘ventral impair médian du neuromère maxillaire 1’). La structure de ce neurone est particulièrement remarquable : les dendrites de VUMmx1 forment des arborescences symétriques dans le cerveau et convergent avec le circuit de traitement olfactif à trois endroits: 1) les lobes antennaires, 2) les calices des corps pédonculés, et 3) le lobe protocérébral. La caractéristique principale de VUMmx1 est liée à son excitation chaque fois que les antennes ou le proboscis de l’abeille sont stimulés avec de la solution sucrée (Hammer 1993). Cette propriété permet de suggérer que l’activité de ce neurone représente le renforcement de solution sucrée dans le cerveau de l’abeille (Hammer 1993).

Afin de mettre à l’épreuve cette hypothèse, Hammer (1993) réalisa une expérience de conditionnement olfactif du réflexe d’extension du proboscis dans laquelle le renforcement de solution sucrée est remplacé par une activation artificielle du neurone VUMmx1, générée par injection intracellulaire de courant électrique. Dans cette expérience de conditionnement, la dépolarisation artificielle du neurone suit immédiatement la stimulation olfactive de façon à reproduire les caractéristiques temporelles de conditionnement de type ‘forward’, où le CS précède toujours le US. Il s’agit donc d’une expérience de conditionnement olfactif ‘virtuel’ : l’abeille immobilisée est stimulée avec une odeur suivie de l’activation artificielle du neurone. Cet appariement réalisé, on observe si l’odeur toute seule est capable de déclencher a posteriori l’extension du proboscis. Pour éviter des artefacts liés au mouvement du proboscis lui-même, celui-ci est coupé et la réponse mesurée en termes de l’activité du muscle M17, un muscle à la base du proboscis qui contrôle précisément son extension. Si l’activité du neurone représente effectivement le renforcement de solution sucrée, l’abeille doit apprendre à réagir à l’odeur dans cette expérience, même si elle n’a jamais reçu de renforcement spécifique. Ceci est effectivement le résultat trouvé. Les abeilles ne réagissent pas à l’odeur avant l’appariement, ce qui est logique, car l’odeur est inconnue, mais montrent une réaction importante après l’appariement, c’est-à-dire, après le conditionnement virtuel (Hammer 1993). Leur réaction est identique à celle d’un groupe d’abeilles où le conditionnement est normal, c’est-à-dire où l’odeur a été appariée à la solution sucrée réelle. Ces résultats montrent donc que VUMmx1 constitue le corrélat neuronal du renforcement de solution sucrée dans le cerveau de l’abeille. C’est un neurone spécialisé dont la fonction est de servir de renforçateur pour l’apprentissage olfactif associatif.

Figure 5. Un neurone unique, VUMMx1, représente le renforçateur de solution sucré dans le cerveau d’abeille. Le schéma à droite montre un cerveau d’abeille (sans les lobes optiques) avec le circuit olfactif. Le schéma à gauche représente à la même échelle la morphologie du neurone VUMmx1. Les dendrites de VUMmx1 forment des arborescences symétriquement dans le cerveau et convergent avec le circuit olfactif à trois endroits (délimités par une ligne pointillée rouge), les lobes antennaires (AL), les calices des corps pédonculés (MB), et le lobe protocérébral (PL). SO: ganglion subœsophagien ; PN : neurones de projection ; a et b: lobes des corps pédonculés. Le neurone répond à une stimulation des antennes et du proboscis avec de la solution sucrée.

Le cas de VUMmx1 illustre comment l’approche électrophysiologique permet de caractériser un neurone spécialisé. Cette approche a permis de caractériser de façon similaire d’autres neurones spécialisés.

3. Centres d’intégration d’ordre supérieur : le cas des corps pédonculés

Les corps pédonculés sont des structures centrales et proéminentes occupant près d’un tiers du cerveau de l’abeille (Fig. 3). Chaque corps pédonculé est constitué de 170 000 neurones densément regroupés, les cellules de Kenyon, et présente deux subunités fusionnées au niveau de leur base dans un pédoncule commun. Les calices constituent la région d’entrée des corps pédonculés ; on reconnaît un calice latéral et un calice médian. Chaque calice est divisé en trois compartiments : la région des lèvres, la région du collier et la région de l’anneau basal. Chacun de ces compartiments reçoit des afférences sensorielles spécifiques (lèvre : olfactives ; collier : visuelles ; anneau basal : olfactives). La région efférente des corps pédonculés est constituée par les lobes a et b qui résultent de la fusion des calices médian et latéral. Les neurones efférents répondent à plusieurs types de stimulation sensorielle et sont donc multimodaux. Ceci montre que les corps pédonculés sont des centres d’intégration sensorielle qui pourraient constituer un substrat idéal pour le transfert entre modalités et pour les formes non élémentaires de l’apprentissage. Une nouvelle méthode permet à présent d’étudier le rôle des corps pédonculés dans différentes formes d’apprentissage et de mettre à l’épreuve cette hypothèse. Cette méthode consiste en la production d’abeilles adultes présentant des lésions spécifiques au niveau des corps pédonculés (Fig. 6). Ces lésions sont

obtenues à partir du traitement de larves du premier stade avec de l’hydroxyurée, une substance qui inhibe l’activité mitotique des cellules en division (neuroblastes) qui vont donner origine aux corps pédonculés (Malun 1998). L’hydroxyurée est donnée aux larves dans la gelée royale avec laquelle elles sont nourries pendant la période de division de ces neuroblastes. Les adultes qui résultent de ce traitement ne peuvent pas être différenciés extérieurement des abeilles normales. Cependant l’étude post conditionnement permettra de repérer des lésions partielles des corps pédonculés au niveau du cerveau de ces abeilles. Généralement, le traitement se traduit par l’ablation d’un ou deux calices médians. Les abeilles traitées à l’hydroxyurée peuvent être étudiées dans des tâches d’apprentissage de complexité variable afin de déterminer l’importance des corps pédonculés dans la résolution de problèmes élémentaires et non élémentaires. Jusqu’à présent, les résultats montrent que l’ablation partielle des corps pédonculés n’affecte pas la capacité de résolution de problèmes élémentaires impliquant une association simple entre un CS et un US. Ceci est valable pour des paradigmes d’apprentissage tactile (Scheiner et al. 2001) et pour le conditionnement olfactif différentiel (Malun et al. 2002). Le conditionnement avec une odeur renforcée et une odeur non renforcée délivrées au niveau d’une antenne unique n’affecte pas la capacité d’apprendre à réagir (extension du proboscis) à l’odeur renforcée et non pas à l’odeur non renforcée, même si l’antenne conditionnée correspond à l’hémisphère lésé du cerveau (Malun et al. 2002). Ces résultats montrent que les corps pédonculés ne sont pas nécessairement impliqués dans l’établissement d’associations élémentaires. Ces associations pourraient être établies préalablement au niveau des lobes antennaires.

Figure 6: a- e) Reconstructions tridimensionnelles de cerveaux d’abeilles traitées avec l’hydroxyurée en vue frontale. a) Cerveau d’abeille traitée à l’hydroxyurée ne présentant pas d’ablations ; le cerveau est identique à celui d’un individu normal (comparez avec la Fig.3). b) Lésion partielle unilatérale : le calice médian du côté gauche est absent alors que le calice latéral est intact . c) Lésion partielle unilatérale : les calices médian et latéral du côté droit ont disparu ; le côté gauche est intact. d) Lésion partielle bilatérale : les deux calices médians sont absents. e): Lésion totale : seulement un groupe réduit de cellules apparaît dans l’hémisphère droit ; calices et lobes sont absents. Les abeilles présentant cette lésion ont un taux de survie extrêmement bas et ne peuvent pas être employées dans des expériences de conditionnement.

Conclusion : mini cerveau et cognition

La combinaison d’études comportementales et neurobiologiques permet d’apprécier jusqu’à quel point la plasticité chez les abeilles surpasse des simples formes d’apprentissage élémentaire et de repérer les substrats neuronaux sous-jacents à ces capacités. La question soulevée dans ce chapitre était celle de la réduction éventuelle du comportement plastique de l’abeille à une collection de simples formes d’apprentissage qui se rassembleraient en tant que modules non connexes. Plusieurs exemples montrent qu’une telle réduction est erronée. Les abeilles sont capables de formes non élémentaires d’apprentissage qui reproduisent les performances d’ordre cognitif supérieur connues chez les vertébrés, telles que l’apprentissage contextuel, la catégorisation visuelle et l’apprentissage de règles relationnelles (Menzel et Giurfa 2001). L’architecture cognitive de l’abeille consiste en un réseau complexe de modules interconnectés (neurones et neuropiles spécialisés, centres d’intégration d’ordre supérieur) assurant des comportements stéréotypés et flexibles. Dans ce réseau, des centres d’intégration centrale permettent la consultation, comparaison et dialogue croisé entre modules, ce qui permet le transfert de solutions d’une situation à une autre et donc la génération de nouvelles réponses. Le cerveau de l’abeille parait être donc capable d’extraire la structure logique de son monde de façon très efficace. Quelles sont les limitations spécifiques de ce cerveau quand on le compare à des cerveaux vertébrés, et quelles sont les bases structurelles et fonctionnelles responsables de ces limitations ? Afin de répondre à cette question, il est nécessaire d’étudier en profondeur les déficiences de l’apprentissage chez l’abeille, une aire d’études encore peu explorée.

Les études sur le comportement et la neurobiologie chez l’abeille permettent d’avoir une attitude optimiste face à ces questions. L’abeille peut servir de modèle pour la compréhension de niveaux intermédiaires de complexité cognitive et pour l’identification de leurs substrats neuronaux. Elle mérite donc un espace justifié dans le domaine des neurosciences cognitives. Le mini cerveau de l’abeille avec ses 960 000 neurones n’a pas encore dévoilé tout son potentiel. La convergence de nouvelles questions qui paraissaient impensables quelque temps avant et de nouvelles techniques de mesure permettant d’accéder à différents niveaux d’organisation neuronale, permets d’espérer que le mieux reste encore à être découvert.

 

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Voir aussi:

L’intelligence individuelle de l’abeille
Les sens logés dans les antennes de l’abeille
Mini Cerveau Méga- Performances

 

Références:

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Author:Martin Giurfa; 2003
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