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Les phéromones, acteurs de la plasticité comportementale

Les phéromones sont des éléments clés de la communication animale : elles sont libérées pour transmettre des messages spécifiques tels que l'attraction sexuelle, l'agression, la reconnaissance de congénères, etc., aux membres d'une même espèce.

Figure : L'extension du proboscis: réponse appétitive d'une abeille immobilisée à une récompense de solution sucrée ayant contacté ses antennes. Des abeilles ayant été exposées à des phéromones de signification différente changent leur comportement d'extension du proboscis montrant ainsi l'impact de ces phéromones sur l'évaluation de la récompense alimentaire reçue. © Martin Giurfa
 

Les équipes de Martin Giurfa au Centre de recherches sur la cognition animale et de Patrizia d'Ettorre au laboratoire d'Éthologie expérimentale et comparée, ont découvert une nouvelle fonction insoupçonnée des phéromones chez l'abeille domestique. En dehors des messages spécifiques qu'elles véhiculent, les phéromones sont capables de changer la façon dont un animal évalue la valeur subjective d'un aliment souhaité et donc sa capacité à apprendre sur cet aliment.

L'analogie entre les colonies d'insectes sociaux et les organismes multicellulaires a été établie pour la première fois il y a un siècle, lorsque les colonies d'insectes ont été appelées "superorganismes". En parfaite similarité avec les organismes multicellulaires, qui utilisent des hormones circulantes pour la coordination de leurs cellules, les insectes sociaux utilisent des phéromones, des molécules hautement volatiles agissant comme messagers chimiques pour coordonner des centaines voire des milliers d'individus au sein d'une colonie. Les phéromones sont des éléments clés de la communication animale : elles sont libérées pour transmettre des messages spécifiques tels que l'attraction sexuelle, l'agression, la reconnaissance de congénères, etc., aux membres d'une même espèce. Avec plus de 50 phéromones différentes décrites à ce jour, les abeilles se distinguent assurément des autres insectes sociaux par leur système de communication sophistiqué basé sur ces molécules chimiques.

Les chercheurs de l'équipe de Martin Giurfa (CNRS, Université de Toulouse) et de Patrizia d'Ettorre (Université Paris 13), ont découvert une nouvelle fonction des phéromones de l'abeille qui change la vision traditionnelle affirmant que ces substances ne sont que des messagers chimiques très spécifiques. Les travaux, dirigés par David Baracchi, ont permis de découvrir que les phéromones peuvent affecter la prise de décisions et l'activité de recherche de nourriture au-delà des messages spécifiques qu'ils véhiculent : en fait, elles peuvent changer la façon dont un animal évalue la valeur subjective d'un aliment souhaité et donc sa capacité à apprendre sur cet aliment.

Les chercheurs ont exposé des abeilles ouvrières soit à une phéromone appétitive, qui dans la nature sert à marquer des sources de nourriture profitables, soit à des phéromones d'alarme, qui signalent des situations aversives. Après quelques minutes, lorsque la phéromone n'était plus présente dans l'environnement, ils offraient une récompense de saccarose aux abeilles et évaluaient leur volonté d'ingérer cette nourriture en utilisant l'extension réflexive des parties buccales (PER) survenant chez cet insecte lorsque ses antennes sont stimulées par des solutions de saccarose.

Les chercheurs ont observé que les phéromones induisent des changements significatifs dans la réactivité et l'habituation au saccarose (une forme simple d'apprentissage appétitif), démontrant ainsi que les phéromones modulent la motivation des abeilles au-delà des messages qu'elles fournissent. Fait intéressant, la direction de cette modulation dépend de la valence positive ou négative des phéromones. Les phéromones d'alarme diminuent la motivation appétitive tandis que la phéromone appétitive, qui marque des ressources nutritives rentables, l'améliore. Ainsi, une phéromone d'alarme n'est pas seulement un message d'alarme, elle modifie la motivation globale d'un animal, y compris sa volonté d'accéder à une ressource nutritive et l'apprentissage des facteurs associés à cette ressource.

Ces résultats apportent une perspective nouvelle dans l'appréciation générale des effets des phéromones, habituellement considérés comme restreints au déclenchement de réponses stéréotypées, puisque les nouveaux travaux de David Baracchi montrent leur influence sur un apprentissage simple. Ils soulignent ainsi le rôle important des phéromones dans la plasticité comportementale des individus et des colonies.

► Source: Cette étude a été publiée le 29 août 2017 dans la revue Scientific Reports

Autre article du Prof. Giurfa: Mini Cerveau Méga- Performances

Autor:Martin Giurfa, Patrizia d'Ettorre, David Baracchi
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