Essaimage
La nature assure la multiplication des colonies par l’essaimage, mais l’apiculteur souhaite des colonies qui se développent bien et deviennent fortes sans essaimer. Une colonie qui désire essaimer (fièvre d’essaimage) ne construit plus et récolte peu de nectar. Les essaims sont souvent perdus, surtout pour l’apiculteur éloigné de son rucher. De plus, une colonie souche qui a essaimé demande une attention et des soins spéciaux. Que peut faire l'apiculteur ?
1. La dynamique de la population
Des interactions complexes entre des facteurs internes (p. ex. maladies, pratique d’apiculture, force de la colonie, etc.) et externes (p. ex. climat, emplacement, source de nourriture, etc.) influencent la dynamique et la croissance des colonies. Celles-ci peuvent s’adapter jusqu’à un certain degré à des défis environnementaux dans la mesure où elles adaptent le taux de ponte de la reine, le développement du couvain et la longévité des individus.
Le développement du couvain atteint sont sommet en juin (linge verte) (► télécharger présentation en pdf) |
Le principal facteur interne du développement de la colonie est le nombre d’œufs pondus par la reine. Le taux de ponte des reines varie de l’une à l’autre. Il dépend de la génétique et est limité par la physiologie et l’état de l’alimentation de la reine, ainsi que par la place disponible dans les rayons pour la ponte. La quantité de couvain obtenue dépend de la disponibilité de la nourriture et de « l’assiduité au soin du couvain » des ouvrières. La survie du couvain et la longévité des ouvrières déterminent le nombre d’œufs qui se développent en individus capables de fonctionner ainsi que la taille finale de la colonie. La quantité de couvain, à son tour, dépend des conditions climatiques et de leur influence sur la disponibilité de la nourriture. Etant donné que les variations sont très grandes, le choix du bon endroit pour le rucher est fondamental, probablement plus important encore que l’héritage génétique des abeilles et leur lignée (Ruttner et Ruttner, 1976).
L’apiculteur peut avoir une grande influence, d’une part par la prévention des maladies grâce à des méthodes de travail hygiéniques, d’autre part en favorisant au contraire les maladies en transportant les agents pathogènes d’une ruche à l’autre. Le développement de la colonie peut aussi être influencé par des empoisonnements d’origine humaine, par exemple lors de l’utilisation non conforme de pesticides agricoles ou de varroacides. |
L'apiculteur a une grande influence sur le développement |
La multiplication des abeilles se fait par la division de la colonie mère. Comme chez d’autres insectes qui construisent des sociétés, ainsi la plupart des fourmis, des guêpes et des termites, seule la reine pond des œufs et seule la reine peut fonder une nouvelle colonie. Chez les abeilles, la reine doit être accompagnée d’un grand nombre d’ouvrières afin de former une unité reproductive capable de survivre, l’essaim.
Afin de multiplier les chances de survie des deux unités, aussi bien l’essaim que la colonie mère, c’est l’ancienne reine qui quitte la colonie mère pour en fonder une nouvelle. La nouvelle reine qui émerge dans la colonie mère, reprend la sécurité de l’ancien nid et la zone de récolte éprouvée, mais aussi les maladies du couvain existantes. Elle doit aussi accomplir son vol nuptial qui l’expose aux prédateurs, aux accidents et aux maladies (via les mâles). Lorsque les circonstances le permettent (bonnes récoltes de nectar et de pollen), une colonie peut former plusieurs essaims au cours d’une même saison.
2. La "fièvre d'essaimage" : l'essaim se prépare
Si le nombre de cellules operculées dépasse le nombre de cellules non operculées le risque d'essaimage augmente. |
Quand une colonie a beaucoup grandi et que les abeilles n’ont presque plus de place à leur disposition, les mouvements de la reine sont aussi restreints, surtout s’il y a de plus en plus de couvain operculé et qu’elle ne trouve presque plus de cellules vides pour y pondre ses œufs. La glande d’Anhardt sécrète alors une phéromone de marquage (empreinte du pied).
Cette sécrétion est 10-15 fois plus abondante chez la reine que chez les ouvrières, mais la composition chimique de cette phéromone est presque identique entre ces 2 castes (par opposition à celle des mâles qui est très différente). Par son passage sur les cadres, la reine dépose cette phéromone qui, si elle est associée au dépôt d’une phéromone mandibulaire, empêche les ouvrières de bâtir des cellules royales. Chez la reine, le développement des glandes d’Anhardt et la sécrétion de la phéromone de marquage suivent le taux de la ponte (saisonnière) et décline avec l’âge de la reine. Lorsque la surface du couvain operculé est très importante, que les alvéoles vides font défaut, freinant le taux de la ponte et que le grand nombre d‘ouvrières pousse la reine à divaguer sur la partie supérieure des cadres, des cellules d’essaimage apparaissent au fond de ceux-ci. Ce même phénomène s’observe si l’apiculteur « coupe en deux » le couvain par l’introduction d’une cire gaufrée. La partie du cadre moins visitée par la reine va bientôt comporter une cellule royale indésirable.
Elle se tient alors principalement dans la moitié supérieure des rayons et ne parvient quasiment plus aux extrémités inférieures. Et là des cellules royales seront bientôt construites. On peut supposer que c’est le contact avec la reine qui empêche la construction de cellules royales. Effectivement, elle répand avec ses tarses (articles des pieds) deux signaux chimiques – des phéromones – lors de ses promenades.
La phéromone d'empreinte du "pied de la reine" (Footprint Pheromone) |
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Une de ces phéromones est produite par les glandes mandibulaires, l’autre par les glandes tarsales. Chez les reines qui pondent des œufs, les glandes tarsales sont particulièrement bien développées. Des expériences ont démontré qu’un mélange des deux phéromones prévenait la formation de cellules royales. La "fièvre d'essaimage" s'instaure quand ces phéromones ne sont plus produites en quantité suffisante ou sont mal réparties sur les rayons.
Les ouvrières commencent à construire des cellules royales sur les bords du nid à couvain, dans lesquelles la reine pondra rapidement des œufs. C’est le début d’une cascade ininterrompue d’événements :
- Le butinage, l’envie de construire et le désir de nettoyer diminuent considérablement
- L’agressivité augmente
- Les ouvrières nourrissent moins leur reine. Elles la secouent, la poussent et la mordent, même
- La conséquence est que la reine perd du poids et réduit son travail de ponte. Mais en même temps, elle redevient apte à voler
- Les abeilles se préparent également au « départ » et se gorgent de nourriture. En l’espace d’environ dix jours, le poids moyen de leur jabot est quadruplé. Même les abeilles qui ne partiront pas participent à ces orgies alimentaires
- La concentration en sucre du contenu du jabot des ouvrières passe d’environ 40% à 70 %. D’autres réserves sont accumulées dans le corps gras des abeilles.
A retenir que l’essaimage se prépare pendant 7 à 12 jours, il n’est pas soudain.
3. L'essaim primaire
En temps normal, le couvain ouvert occupe plus de place que le couvain operculé. Quelques jours avant l'essaimage, à cause du manque de place pour pondre, mais surtout à cause du ralentissement de la ponte, le couvain operculé occupe plus de place que le couvain ouvert. C'est au moment où ce rapport s'inverse et les abeilles operculent la première cellule royale que la fièvre d’essaimage est enclenchée.
Des cellules royales en bas du cadre annoncent souvent un essaimage |
La plupart des essaims s’envolent entre 11 et 16 heures. Si l’essaimage est retardé de plusieurs jours par de mauvaises conditions de vol ou s’il s’agit d’un essaim secondaire, on entend les jeunes reines chanter dans les cellules royales. Dans ce cas, le jour précédant le départ des abeilles, la colonie est calme. Le jour de l’essaimage et juste avant le départ, les reines plaquent leur thorax fermement contre les rayons pour leur transmettre les vibrations que les rayons conduisent particulièrement bien. Les abeilles perçoivent ce signal grâce à des organes spéciaux situés sur leurs pattes. Les reines émergées "chantent", tandis que celles qui se trouvent encore dans les cellules royales émettent des sons stridulants. En réalité les reines ne chantent pas, mais produisent bel et bien des vibrations grâce à leurs ailes. Si plusieurs reines se trouvent dans la même colonie, chaque son obtient une réponse correspondante d’une concurrente.
La naissance de la première reine déclenche souvent le départ de l'essaim |
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La fonction de ces signaux n’a pas pu être élucidée jusqu’à maintenant. Il pourrait s’agir d’informer les jeunes reines de la présence de concurrentes et de les aider à se décider dans le processus de l’essaimage.
Les ouvrières peuvent aussi chanter. Avant que l’essaim ne quitte la ruche ou la branche où il est accroché, quelques ouvrières le préparent à l’envol par un chant. Elles commencent alors à chauffer leurs muscles. Le départ de l’essaim est déclenché par les mêmes ouvrières qui courent comme des folles parmi leurs congénères. Elles courent en zigzag sur les rayons et vibrent des ailes à courts intervalles. Ensuite, l’agitation se répand telle une avalanche dans toute la colonie. Alors que les ouvrières semblent désœuvrées sur la planche de vol, leurs glandes cirières travaillent et 6 petites plaques de cire apparaissent sur leur abdomen (on peut les voir en retournant l'abeille) pour être prêtes à construire de nouveaux rayons de cire alvéolaires dans la future ruche.
C’est alors qu’une vraie marée d’abeilles se déverse par le trou de vol entraînant la plupart du temps la vieille reine avec elle. Environ la moitié de l'effectif de la colonie (s'il s'agit d'un essaimage primaire) de la ruche sort à l’air libre (env. 1000 abeilles par minute). Des abeilles de la colonie voisine se joignent à cette nuée d’abeilles.
Le nuage d'un essaim est un grand spectacle |
Lorsqu'un essaim d'abeilles émerge d'une ruche, il ne s'envole pas directement vers son nouveau site. Il se pose généralement dans un arbre ou sur une branche à quelques mètres de la ruche d'origine (ce qui permet parfois à l'apiculteur de le récupérer s'il le voit à temps). Attirées par différents signaux chimiques, les abeilles forment une grappe autour de la reine et se calment ensuite rapidement. Ce sont les phéromones de la chambre de l’aiguillon et des glandes mandibules de la reine associées à l’odeur de ventilation de la glande de Nasanov des éclaireuses qui ont un effet attirant. Tandis que les jeunes abeilles forment des chaînes lâches au centre de la grappe, les ouvrières plus anciennes forment un manteau dense autour d’elles.
L'essaim se pose d’abord à 10 à 50 m du rucher (ce qui permet parfois à l'apiculteur de le récupérer s'il le voit à temps) |
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Mais l’essaim manque encore d’une demeure appropriée. Env. 5 % des abeilles de l’essaim (les plus expérimentées) partent comme éclaireuses à la recherche de nouveaux sites convenables. Cet arrêt intermédiaire ne dure qu’un à trois jours. L'essaimage des abeilles est un véritable processus de démocratie directe et d'intelligence collective puisqu'il s'agit de parvenir à un consensus pour définir la future localisation de la colonie.
Toutes les éclaireuses ont le même pouvoir d'information et présentent de manière transparente et souvent simultanément leurs découvertes. Selon l'intensité de la communication, l'abeille découvreuse d'un site va recruter un nombre plus ou moins grand de nouvelles éclaireuses qui iront chacune le visiter et entreprendre une évaluation indépendante. Elles pourront à leur tour donner leur opinion. Après plusieurs heures et parfois jusqu'à 3 jours de mutualisation perpétuelle des connaissances, un consensus émerge de ce processus décisionnel et aboutit au choix définitif de la destination. Une décision sera souvent prise lorsque quelque 80 % des éclaireuses ont convenu d'un seul endroit et/ou lorsqu'il y a un quorum de 20 à 30 éclaireuses présentes sur un site de nidification potentiel. Dès que les éclaireuses se sont mises d’accord sur leurs nouveaux quartiers, elles retournent auprès de l’essaim pour leur en indiquer le chemin. Elles font des allers-retours en volant à grande vitesse au sein de la masse d’abeilles en direction du nouvel emplacement.
Ce processus collectif de prise de décision réussit remarquablement à identifier le nouveau site le plus approprié et à maintenir l'essaim intact.
Un bon nid doit avoir les qualités suivantes :
- être suffisamment grand pour accueillir l'essaim (minimum 15 litres en volume, de préférence ~ 40 litres),
- être bien protégé des éléments (pas trop de vent) et recevoir une certaine quantité de chaleur du soleil (de préférence à mi-ombre et entrée exposée vers l'Est pour favoriser la chaleur du matin,
- avoir une petite entrée (environ 12,5 cm2) située au bas de la cavité,
- ne pas être infesté de fourmis.
Les sites de nidification avec des nids d'abeilles ou des ruches abandonnées sont privilégiés, car les odeurs de miel et de propolis rassurent les éclaireuses (on s'en sert pour le piégeage d'essaims).
Une fois l'essaim définitivement fixé, les ouvrières bâtissent très rapidement des rayons de cire pour le nouveau couvain et pour y stocker du miel. La reine se remet à pondre seulement 3 jours après l'arrivée sur le nouveau site, afin d'assurer le développement de la nouvelle colonie le plus vite possible.
La reine pouvant vivre jusqu'à 5 ans, elle pourra essaimer plusieurs fois dans sa vie (mais généralement les apiculteurs remplacent les reines chaque année ou tous les deux ans pour s'assurer d'une ponte maximale).
Malheureusement un essaim dans la nature ne survit pas sans les traitements contre le varroa destructor |
Si un essaim s'établit quelque part dans la nature, on dit qu'il retourne à l'état sauvage ou féral. Malheureusement la probabilité de survie au-delà de 2 ans est petite, car avec l’arrivée du parasite varroa destructor dans les années 80, des maladies sont transmises, causant la mort de la colonie.
Il est parfois possible d’observer des essaims en septembre encore. Mais plus un essaim se met en route tôt dans l’année, plus ses chances seront bonnes de former une population assez grande pour hiverner et accumuler suffisamment de provisions pour l’hiver.
4. L'essaim secondaire
Les abeilles restées dans la ruche souche disposent d’un gîte et d’amples réserves de nourriture. Mais avec le départ de l’essaim primaire, la taille de la colonie mère a diminué de quelques milliers d’abeilles. Bien que la ponte d’œufs de la vielle reine ait été fortement réduite juste avant l’essaimage, l’élevage du couvain battait son plein auparavant. Dans la colonie restante, il y a continuellement de nouvelles abeilles qui émergent et la population retrouve en peu de temps sa taille de départ.
La première reine émergée après le départ de l’essaim primaire et non fécondée s’envole fréquemment après env. 1 semaine avec un essaim secondaire, parfois accompagnée par plusieurs autres jeunes reines vierges. Le nombre d’abeilles de ces essaims secondaires est la plupart du temps inférieur à celui de l’essaim primaire, et la nouvelle reine n’est pas encore en ponte. Il n’est donc pas facile pour ces petits essaims de former une colonie capable de passer l’hiver avec suffisamment d’abeilles et de réserves de nourriture.
Il existe plusieurs types d’essaims :
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Il ne peut y avoir qu’une seule reine par colonie. Dans la ruche d'origine, la première reine émerge de sa cellule généralement une semaine après le premier essaimage. Elle voudra instinctivement éliminer les autres reines encore nichées dans leur cellule royale ; mais si la colonie est assez populeuse, elle protégera les cellules royales et empêchera cette première reine de tuer ses reines sœurs. La première reine se mettra alors à chanter pour signaler sa présence. Si d'autres reines prêtes à naître entendent ce chant, elles y répondent depuis l'intérieur de leurs cellules et si la première reine estime qu'il y a trop de concurrentes à éliminer pour régner et trop d'opposition de la part des ouvrières, elle décide souvent de quitter la ruche dans un essaim secondaire pour éviter les nombreux combats potentiels (sa production de venin ne suffisant pas). Le processus se répète avec la reine vierge (émergente) suivante. Il peut donc y avoir un essaimage tertiaire dans les ruches les plus populeuses. Quand la colonie n'est plus assez forte pour s'opposer à la reine, elle laisse la première reine naissante tuer ses sœurs en rongeant latéralement les cellules de reines et en tuant les nymphes par une piqûre dans leur cellule ; mais si deux reines émergent au même moment, il s'ensuit un combat à mort qui peut blesser la survivante et produire ainsi une reine de piètre qualité. En revanche, si tout se passe bien, une semaine plus tard, la reine victorieuse effectue son premier vol nuptial (voir vidéo plus bas).
Jusqu’à l’émergence des premières abeilles de la nouvelle génération (env. après 35 jours), les colonies mères sont la plupart du temps passablement affaiblies et ne produisent souvent plus de récolte d’été. Elles parviennent néanmoins généralement à atteindre une taille suffisante pour hiverner.
5. Risques
L'essaimage est une étape vulnérable dans la vie des abeilles. Pendant cette phase, elles sont approvisionnées seulement par le nectar ou le miel qu'elles emportent dans leur estomac. Un essaim peut mourir de faim s'il ne trouve pas rapidement un site pour s'installer et des sources de nectar. Ceci se produit le plus souvent avec des essaims partis trop tôt dans la saison au printemps par un jour chaud qui est suivi par du temps froid ou pluvieux. La colonie d'origine, après s'être séparée d'un ou plusieurs essaims, est généralement bien approvisionnée en nourriture, mais la nouvelle reine peut être perdue ou mangée par des prédateurs pendant son vol d'accouplement ; enfin le mauvais temps peut empêcher son vol d'accouplement. Dans ce cas, la ruche n'a plus de jeune couvain pour élever des reines supplémentaires, et elle ne survivra pas.
Un essaim est très impressionnant, mais le danger pour l'Homme est moindre, car une abeille issue d'un essaim pique rarement pour plusieurs raisons :
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Pour l'Homme, l'essaim n'est pas dangereux |
Un apiculteur peut donc s'approcher ou toucher un essaim sans grand danger de piqûre. Cependant, un tempérament calme et des mouvements très lents sont nécessaires dans toutes les manipulations, afin de laisser les abeilles prendre leur place sans se froisser, pour éviter d'être associé à un danger. Toutefois il est bon de savoir que toute abeille écrasée piquera en retour, quelle que soit son humeur.
6. Récupération des essaims
Certains apiculteurs capturent les essaims qu'on leur signale. L'avantage est qu'ils récupèrent un essaim de production supplémentaire dans leur rucher. L'inconvénient est qu'ils récoltent une colonie essaimeuse dont la qualité de la reine est inconnue au lieu d'une souche sélectionnée plus stable. On ne connaît pas non plus l’état sanitaire de l’essaim, qui pourrait être porteur de maladies ou de varroas. Il existe différentes méthodes pour capturer un essaim. C'est un procédé délicat dans lequel il convient d'accaparer la majorité des individus, le reste pouvant être récupéré ensuite. |
Récolte d'un essaim à Montfavet dans les années 1900 |
Lorsque l'essaim se dépose et forme une grappe, il est relativement facile de le capturer dans une ruchette appelée nucléus. Une méthode qui peut être employée par une journée ensoleillée où l'essaim est situé sur une branche inférieure ou un petit arbre est de mettre un drap blanc sous l'emplacement de l'essaim. Une ruchette est placée sur le drap. L'essaim est pulvérisé de l'extérieur avec une solution d’eau sucrée (le fait de vaporiser de l’eau sucrée sur les abeilles de l’essaim rend leurs ailes collantes, ce qui les empêche de voler correctement : elles resteront alors plus tranquilles ou n’iront pas très loin) puis secoué vigoureusement de la branche. Le groupe principal, y compris la reine, tombera sur le drap blanc et les abeilles vont rapidement entrer dans le premier espace sombre en vue, qui est l'ouverture de la ruchette. Une marche organisée vers l'ouverture s'ensuivra et après 15 minutes la majorité des abeilles sera à l'intérieur du nucléus. Elles y resteront enfermées une ou deux nuits. Si la ruche est accueillante (propreté, emplacement, protection), l'essaim restera dedans.
Lorsqu'on récupère un essaim (surtout un secondaire ou tertiaire), il vaut mieux placer la ruchette au frais (pour que l'essaim se resserre autour de sa reine) et à l'obscurité pendant 48 heures sinon l'essaim peut facilement déserter. Une autre solution pour fixer l'essaim consiste à lui donner un cadre de couvain frais. 48 h après la récupération, on donne à cette nouvelle colonie du sirop 50/50 afin qu'elle puisse rapidement bâtir les rayons de sa ruche, les abeilles restant au logis pour le nourrir et le réchauffer.
6.1 Déroulement du travail
- capturer l’essaim
- le placer 1-2 jours à la cave fraiche
- le reloger dans la nouvelle ruche
- le nourrir
- contrôler la présence de cellules royales
- il est conseillé de traiter l’essaim à l’acide oxalique avant que le couvain soit operculé
Capturer l’essaim
- vaporiser de l’eau sur la grappe formant l’essaim
- secouer ou brosser la grappe dans la caisse à essaim ou dans une ruchette avec 6 cadres de cire gaufrée
- poser la caisse à essaim ou la ruchette au sol à proximité (à l’ombre ou couvrir avec un linge humide)
- laisser une ouverture afin que les abeilles encore en vol puissent rejoindre l’essaim
- seulement une heure plus tard, ou le soir à la pénombre, fermer la caisse à essaim et la mettre une ou deux nuits dans une cave sombre et fraîche (si nécessaire nourrir)
- reloger la colonie le soir suivant (les essaims primaires peuvent aussi être relogés tout de suite) et nourrir jusqu'à ce que les cadres soient bâtis (3 à 8 litres de sirop)
- il est important de procéder à un traitement contre la varroase assez tôt après la capture (p.ex. à l'acide oxalique, hors couvain)
- après 12 à 14 jours on contrôle la présence d’éventuelles cellules royales, la force de la colonie, la construction des cadres, les réserves de nourriture et la présence de la reine et de la ponte (pour les essaims secondaires, la reine devant encore se faire féconder, la ponte commencera env. après 2 semaines)
- agrandir avec des cadres à bâtir et nourrir si nécessaire
Bon nombre d’apiculteurs racontent une utilisation réussie d’un attrape-essaim. Avec cela et un peu de chance, la récupération d’un essaim est très simple. Dès que les abeilles se sont suspendues sur l’attrape-essaim, celui-ci peut facilement être récupéré. |
Ave un attrape-essaim et un peu de chance, la récupération d'un essain est simple. |
La qualité des essaims récupérés dépend de la période de récupération. Les essaims secondaires ou tertiaires du mois d’avril ou mai ne posent généralement pas de problème. Ceux enruchés après la fin du mois de juin auront plus de mal à se développer. Comme disent les vieux apiculteurs : « Essaim de Mai vaut un char de blé ! Essaim de Juin vaut un char de foin ! Essaim de Juillet ne vaut pas une miette ! ».
6.2 Soins aux colonies qui ont essaimé (colonies mères)
Le jour 1 à 5 dès le départ de l’essaim, contrôler si une nouvelle reine est présente, enlever toutes les autres ou partager toute la colonie en plusieurs nuclei avec chacun une cellule royale mature. Si aucune reine n’est présente, laisser une seule cellule royale. Si la jeune reine émet des sons (chant des reines), la colonie veut à nouveau essaimer. Dans ce cas, les jeunes reines ou les cellules royales doivent être enlevées immédiatement (on peut les utiliser pour créer des nuclei). Une seule reine ou une seule cellule royale doit rester dans la colonie mère. Selon la miellée ou la force de la colonie, on enlève quelques cadres de miel et on resserre le couvain pour que tous les cadres soient bien occupés. Après 14 jours la jeune reine doit pondre. En l'absence de couvain, mettre un cadre de contrôle (test d'orphelinat).
Le test d’orphelinat
Une colonie sans couvain n’est pas nécessairement orpheline. La reine fait éventuellement une pause dans sa ponte ou la colonie fait l’objet d’une supersédure (remérage naturel) et la jeune reine ne pond pas encore des œufs. Ne pas oublier qu’une reine peut ne pas avoir été fécondée.
Comme test d’orphelinat, on introduit un cadre sans abeilles avec des œufs et du jeune couvain. Si la colonie est orpheline, on trouve trois jours plus tard sur le cadre de test des cellules royales de sauveté.
7. Les facteurs favorisant l'essaimage
- race et souche de la colonie: certaines races sont bien plus essaimeuse que d'autre
- prédisposition génétique de la reine
- période de l’année : surtout au printemps avant la miellée
- manque de place (congestion de la chambre à couvain) : beaucoup de cadres de couvain operculé, pas de possibilité de ponte pour la reine avec une énorme concentration d’abeilles
- une ruche devenue trop petite : cela survient généralement après l'arrivée d'importantes quantités de pollen qui font rapidement grossir la population de la colonie. La conséquence: une dilution de la concentration des phéromones de la reine parce que la colonie est trop peuplée
- manque d’espace pour stocker le miel lors de la miellée
- manque de place pour la construction
- conditions météorologiques défavorables : mauvais temps prolongé après une bonne miellée de fleurs, temps changeant
- trop de nourrissement liquide en fin de printemps
- l'âge de la reine (2 à 3 % d’essaimage pour une reine de l’année, mais n+1 ➜ 20 % (pour une reine de 2 ans) et n+2 ➜ 50 % (pour une reine de 3 ans). La destruction des cellules royales ne suffit pas à empêcher l'essaimage)
- ensoleillement trop intense des façades de vol des ruches et température trop élevée dans la ruche (aération insuffisante)
8. Comment maîtriser l’essaimage ?
- donner de l’espace à temps (nouveaux cadres à construire, poser les hausses, enlever des cadres de couvain avec les abeilles, etc.)
- laisser construire beaucoup de cadres de cire gaufrée
- découper régulièrement les cadres à mâles
- introduire de jeunes reines de qualité
- prédisposition génétique plus essaimeuse : choisir une reine de qualité. Les reines "tout venant" essaiment beaucoup plus que les reines créées par des professionnels.
- de l’ombre sur la façade de vol des ruches l’après-midi par des feuillus (planter des feuillus pour avoir de l’ombre…)
- couper une aile de la reine (ce n'est pas une méthode de prévention de l'essaimage, mais c'est une méthode de récupération des essaims)
- détruire régulièrement les cellules royales (au moins une fois par semaine) est parfois conseillé, mais cela a en fait tendance à accélérer l'essaimage
- prélever un paquet d’abeilles
- prélever les cadres avec les cellules royales et faire des nuclei ; on pourra changer la reine plus tard si on veut
- éloigner la reine : prendre un cadre avec la reine, le transporter dans une ruchette dans un rucher éloigné ; détruire les cellules royales tout-de-suite puis encore une semaine après ; remettre la reine dans la ruche, comme si on en introduisait une nouvelle
- changer la reine : si on change la reine et qu’on enlève les cellules royales, probablement la fièvre va tomber
- la division ou l'essaimage artificiel (voir chapitre 8.1)
- l’inversion des hausses à couvain au printemps (voir chapitre 8.2)
- appliquer la méthode du Demaree (ou Damier). Son principal objectif est de séparer le couvain non- operculé, incluant les œufs, de la reine (voir chapitre 8.3)
- appliquer la méthode virdis: transfert du couvain operculé dans un 2e corps au-dessus du premier (voir chapitre 8.4)
- encager la reine (méthode en train d'être testé par Serge Imboden et Claude Pfefferlé, Société d'apiculture de Sion: www.apision.ch) : Voir chaptire 8.5 et l'article: ► Eteindre la fièvre d'essaimage
8.1 Méthode 1: essaim artificiel
(voir article : ► Création de jeunes colonies)
Déroulement du travail:
- capturer la reine de la colonie mère et la mettre dans une cage à reine
- mettre la cage avec la reine de la colonie mère ou une nouvelle reine d'élevage dans une caisse à essaims (ou dans une ruchette avec des cadres de cires gaufrées)
- prélever 1 à 2 kg d'abeilles de la colonie (ou de plusieurs colonies) mais sans la reine et les brosser dans la caisse à essaim
- donner immédiatement un peu de nourrissement liquide à l'essaim artificiel
- mettre l'essaim dans une cave sombre et fraîche jusqu'au moment où une grappe d'essaimage homogène s'est constituée autour de la cage à reine (une à deux nuits)
- le déposer sur un site de jeunes colonies à environ 3 km de distance avec des cadres de cires gaufrées et libérer la reine (si l'essaim artificiel doit être logé sur le même site qu'auparavant, il faut le laisser au moins 4 nuits dans la cave et le nourrir)
- premier contrôle après 7 jours (voir si la reine est acceptée sinon introduire une nouvelle reine, nbr. d'abeilles, nourriture, etc...)
- traiter le nuclei à l'acide oxalique (par pulvérisation, par dégouttement ou par évaporation)
- contrôle de la colonie donneuse (cellules royales, présence de la reine, présence de ponte)
voir aussi :
► Essaim artificiel
► Essaim artificiel avec reine
8.2 Méthode 2 : inversion des hausses
(voir aussi l'article: ► Comprendre l'essaimage)
Une méthode facile est l’inversion des hausses à couvain au printemps. Elle s’applique surtout pour les colonies hivernées sur deux hausses, bien qu’elle puisse aussi s’appliquer, après l’ajout d’une deuxième hausse à couvain, sur les colonies hivernées à une hausse, à l’extérieur ou en caveau. Le principe est le suivant :
Les abeilles dans les ruches hivernées à l’extérieur sur deux hausses vont consommer leur sirop tout l’hiver en montant graduellement vers la hausse du haut. Normalement, à la fin de l’hiver, la grappe d’abeilles se trouve dans la hausse du haut, celle du bas étant vide. La reine débute donc sa ponte dans la hausse du haut. En inversant les hausses à ce moment, on place l’espace vide au-dessus de la grappe et du couvain, ce qui est plus naturel pour la colonie. La reine peut donc monter pondre dans cette hausse vide. On peut encore inverser les hausses quelques semaines plus tard alors que le couvain de la hausse du bas est en train d’éclore, de façon à placer ce nouvel espace libre dans le haut de la colonie. On s’assure ainsi de donner de l’espace de ponte à la reine, et aussi de maximiser le nombre d’abeilles butineuses qui iront au champ quand la miellée sera venue.
8.3 Méthode 3 : la méthode du Demaree
Un bon moyen pour prévenir l’essaimage est d’utiliser le procédé Demaree. Ce procédé a été conçu par George Demaree et présenté la première fois dans l’American Bee Journal en 1884. Son principal objectif est de séparer le couvain non-operculé, incluant les œufs, de la reine. Le couvain est placé au-dessus d’une grille à reine tandis que la reine est conservée en bas. Ce procédé réduit la surpopulation de la ruche et son désir d’essaimer. Il permet ainsi de conserver toute la population et de maximiser la production de miel.
Il s’agit ici de faire un essaim artificiel, sans séparer physiquement la colonie. On transfère tout le couvain, sauf un beau rayon de larves et d’alvéoles operculées, dans une hausse que l’on installe au-dessus des hausses à miel (pour les ruches Dadant : 2 hausses superposées). On laisse dans la hausse du bas un cadre de provisions, le rayon de couvain (avec la reine bien entendu), et 8 cadres vides et étirés. On place ensuite la grille à reine entre la hausse du bas et les hausses à miel.
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- La reine se retrouve ainsi avec 8 rayons à pondre. La majorité des abeilles restent en haut avec le couvain, mais redescendront à mesure que celui-ci éclot. Elles rempliront éventuellement la hausse de couvain du haut avec du miel.
- Comme les abeilles qui restent avec le couvain du haut ne « sentent » plus la reine qui elle est en bas, elles se croiront orphelines et vont tenter d’élever une nouvelle reine à partir d’œufs présents dans les rayons. Il est donc important de retourner détruire TOUTES les cellules royales présentes sur les rayons de la hausse du haut une semaine à 10 jours après l’opération.
- Ce procédé fait « croire » aux abeilles que l’essaimage a eu lieu, et de plus, cet ajout soudain d’espace de ponte pour la reine fera augmenter la population de la colonie notablement dans les semaines suivantes.
Ce plan est destiné initialement à réduire voire supprimer l’essaimage en séparant la reine de quasiment tout son couvain obligeant les nourrices à la quitter pour s’occuper de la nurserie séparée par une grille et éloignée au sommet. Les conditions d’essaimage ne sont donc plus, à ce moment, réunies ; il s’agit d’un essaimage dans la ruche . Il est appliqué sur une forte colonie mais si le but est d’obtenir des cellules royales on peut opérer une colonie de moyenne importance. L’intérêt de ce plan, demandant peu de temps à être appliqué, est que la recherche de la reine, toujours fastidieuse, est évitée, que les abeilles gardent la même odeur, et que la récolte est importante si les conditions météo et florales sont au rendez-vous. Il n’y a pas de division, pas de picking, p